Des bannières inédites ont fait leur apparition en bordure de l’autoroute 40 à Montréal vendredi. À deux jours de la COP26, le groupe militant Extinction Rébellion a recouvert deux panneaux publicitaires de leurs propres affiches pour dénoncer les investissements de la Banque Royale du Canada dans les énergies fossiles.
« RBC Banque Royale : fière partenaire de la fin du monde », peut-on lire sur une première bannière, encadrée d’un lion et d’une forêt en feu. « Soutien à la nation Wet’suwet’en contre RBC/Banque Royale », affiche la deuxième bannière, montrant un grizzly qui mord un lion.
À la faveur de la nuit, une quinzaine de membres du groupe environnemental Extinction Rébellion Québec se sont regroupés au 3333 boulevard Crémazie à Montréal. Leur but : attirer l’attention publique sur le financement des énergies fossiles par la Banque Royale du Canada. Ils ont choisi cet immeuble désaffecté et partiellement en rénovation. Aucune porte n’a été défoncée pour accéder aux lieux, mais le placardage donnant sur le toit a été défait.
L’ambiance était tranquille à 3 h du matin, sur le toit de l’immeuble. Les vrombissements des véhicules sur l’autoroute Métropolitaine perçaient ici et là le silence entrecoupé par les murmures des militants. Les lumières du centre-ville au loin éclairaient la scène. Malgré les 5° C ambiants, une dizaine de membres d’Extinction Rébellion préparaient leur opération. Deux avaient même dormi sur place.
Les militants étaient organisés et calmes, munis de harnais, de dossards, de casques et de walkies-talkies. Un drone avait aussi été déployé, tandis que d’autres membres surveillaient le bâtiment, du sol. Comment se sentaient les participants ? « Bien ! », ont répondu deux militants, en chœur, alors qu’ils finissaient d’installer leur matériel. Masqués, ils n’ont pas dévoilé leur nom à La Presse afin d’éviter d’être identifiés. Ni l’un ni l’autre n’avait d’expérience d’escalade, mais avaient été formés exprès pour des actions de désobéissance civile.
Quatre personnes ont été déployés par bannière publicitaire. Après avoir couvert les lumières avec de lourdes couvertures, ils ont étendu leurs affiches sur les publicités existantes. L’opération a duré environ 30 minutes. Une fois les bannières posées, la porte d’accès au toit de l’immeuble a été bétonnée pour empêcher les compagnies propriétaires des panneaux publicitaires d’y accéder. « Le plus important, pour nous, c’est que nos messages soient visibles pour les journées à venir », a spécifié à La Presse Louis Ramirez, porte-parole pour Extinction Rébellion.
Dès 4 h 10 du matin, les automobilistes de l’autoroute 40 pouvaient voir les deux bannières, à la hauteur de la sortie vers Saint-Michel. Aucune intervention policière n’avait eu lieu à 4 h 30 du matin.
Dénoncer les investissements de la RBC
La Banque Royale du Canada a investi 208 milliards de dollars dans les énergies fossiles depuis l’Accord de Paris de 2016, selon le rapport 2021 de Banking on Climate Chaos. « C’est plus que tout ce qui a été investi dans la transition écologique », dénonce Louis Ramirez. Ça fait aussi de la RBC le cinquième plus important bailleur de fonds des énergies fossiles au monde, et le principal au Canada.
Le but des bannières est d’informer un large public. « Je pense que c’est intéressant, parce que ça peut amener un questionnement chez des gens qui veulent avoir une certaine intégrité par rapport à leurs valeurs, croit Laurence Brière, professeure en éducation relative à l’environnement à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Ce sont des gens qui vont être plus dans l’écocivisme, donc qui vont faire des gestes au quotidien pour faire en sorte de soutenir un monde plus juste », décrit-elle.
« On essaie de bâtir un mouvement de solidarité autochtone et allochtone contre un ennemi commun [la RBC] », affirme aussi Louis Ramirez. C’est ce qui explique la bannière en solidarité avec Wet’suwet’en. Le grizzly est un symbole du clan Gidimt’en, qui défend la construction du pipeline Coastal Gaslink, financé par la Banque Royale du Canada (RBC), explique M. Ramirez.
« Les militants souhaitent refaire le Canada dans un mouvement qui respecte l’environnement et les personnes autochtones. La Banque Royale du Canada est à la croisée de ces enjeux, et à chaque fois, elle pousse dans l’autre sens », ajoute Louis Ramirez.
Une manifestation contre la RBC est aussi prévue sur la place Ville-Marie vendredi à 16 h 30, organisée conjointement par plusieurs groupes environnementaux. Ils exigent l’arrêt du financement massif des énergies fossiles et le respect du consentement des peuples autochtones, a détaillé Louis Ramirez.
Une telle solidarité ne surprend pas Laurence Brière : « C’est sûr qu’avec le processus de vérité et de réconciliation dans lequel [le Canada] est engagé, il y a de plus en plus de groupes écologistes qui veulent se positionner en alliés avec les groupes autochtones », observe la professeure.
Deux jours de la COP26
Le mouvement s’inscrit dans une mobilisation autour du globe pour dénoncer publiquement les investissements dans les énergies fossiles. Ce n’est pas une coïncidence que ça se déroule à deux jours du début de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques COP26, qui débutera à Glasgow, au Royaume-Uni, le 31 octobre. Le définancement des énergies fossiles devrait être un sujet de discussion, croit Louis Ramirez. « Nous voulons attirer l’attention du public pour faire pression », ajoute-t-il.
À travers le Canada, des actions sont prévues dans 50 villes, selon Louis Ramirez. Ce sont 26 pays qui préparent aussi des activités de mobilisation contre le financement des énergies fossiles vendredi.
Extinction Rébellion est un groupe environnemental qui prône la désobéissance civile pacifique pour attirer l’attention sur les enjeux de la crise climatique. Au Québec, des militants avaient notamment bloqué le pont Jacques-Cartier en octobre 2019 et installé une bannière publicitaire dans le Mile End en septembre 2020.
Énergies fossiles | Extinction Rébellion dénonce la Banque Royale sur l'A40 - La Presse
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