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Saturday, December 30, 2023

Un «dur moment à passer», selon Pierre Jobin - Le Devoir

Lorsque sa fille lui a annoncé qu’elle allait étudier en journalisme, Pierre Jobin a ressenti une certaine inquiétude, avoue-t-il. Celui qui prendra sa retraite au retour des Fêtes est bien placé pour savoir que les médias connaissent une crise sans précédent. Chef d’antenne de TVA à Québec durant presque 30 ans, il aura vu les audiences des bulletins de nouvelles s’effriter avec les années. Une réalité qui touche aussi maintenant dans une certaine mesure la radio commerciale, a-t-il pu observer depuis son entrée en poste comme directeur de l’information chez Cogeco, il y a presque trois ans. 

Pour autant, Pierre Jobin n’a pas non plus tenté de dissuader sa fille Anne-Sophie, aujourd’hui journaliste pour TVA à Montréal, de suivre ses traces. Il n’en démord pas : il y a encore un avenir à l’information. « C’est évident que, pour les jeunes qui veulent faire ce métier en ce moment, c’est inquiétant. Mais on n’est pas en Russie ou en Chine, quand même. Il y aura toujours un besoin pour de l’information. Les gens cherchent à être informés, même si ce n’est plus nécessairement avec le bulletin de nouvelles de 18 h ou de 22 h. C’est un dur moment à passer, mais je suis assez optimiste. Les gouvernements ont maintenant pris conscience que les médias ont besoin d’aide pour compenser la perte des revenus publicitaires au profit des géants du Web. » 

Encore faut-il que cette aide gouvernementale soit à la portée de tous les médias. Actuellement, la radio commerciale est la grande oubliée des différents programmes mis en place par Québec et Ottawa, déplore Pierre Jobin. « Il y a des aides pour la presse, pour la télé, mais rien pour la radio », résume l’actuel directeur de l’information, des sports et de Radio Circulation chez Cogeco Média. 

La radio en crise 

L’entreprise regroupe une vingtaine de stations, dont le 98,5, la radio parlée la plus écoutée à Montréal, mais aussi CKOI, le réseau Rythme, ou encore le FM93, à Québec. Lors des audiences devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), Cogeco Média n’a pas caché que certaines fréquences étaient déficitaires, laissant entendre que des fermetures pourraient survenir. 

À l’échelle du pays, les revenus des stations de radio privées ont chuté de 24 % durant la pandémie. Entre 2013 et 2022, le temps moyen consacré à l’écoute de la radio par les Canadiens est passé de 18,5 heures à 10,6 heures par semaine. « La radio parlée va bien. C’est la radio musicale qui a plus de difficultés à cause des plateformes d’écoute », explique Pierre Jobin, qui croit que l’heure est peut-être venue de réfléchir au mandat des radios musicales.  

Cela étant dit, les stations parlées, comme le 98,5 et le FM93, subissent aussi l’exode des annonceurs vers les géants du Web que sont Facebook et Google. Comme en télé, les revenus publicitaires en radio ont baissé de manière beaucoup plus importante que les cotes d’écoute. « Les grands annonceurs de Toronto, comme Ford ou General Motors, ont arrêté d’acheter de la publicité durant la pandémie. Malheureusement, ils ne sont pas encore tous revenus. Donc, on a beau être numéro un à Montréal, les revenus sont moins là qu’avant », résume celui qui a commencé à travailler à la radio lorsqu’il avait à peine 15 ans, au Saguenay. 

L’ancien lecteur de nouvelles interpelle d’ailleurs les annonceurs, qui ont leur rôle à jouer, selon lui, dans la survie de l’écosystème médiatique : « Les annonceurs devraient prendre conscience que c’est dans l’intérêt de la démocratie de soutenir les médias. Je ne suis pas naïf, je comprends qu’ils doivent être présents aujourd’hui sur Facebook. Mais plutôt que de mettre tous leurs oeufs dans le même panier, ne pourraient-ils pas plutôt investir quelque chose comme 70 % de leur budget dans Facebook et 30 % à Cogeco ou à TVA ? »

Les yeux rivés sur le 98,5 

À 61 ans, Pierre Jobin entend ralentir le rythme dans les prochaines années. Mais il se dit prêt tout de même à accepter quelques mandats de consultant, si on lui en fait la demande. Les médias le passionnent toujours. Il surveillera, bien entendu, l’arrivée cet automne de Patrick Lagacé dans la case horaire du matin au 98,5, en remplacement de Paul Arcand, qui prend sa retraite. Le départ du roi incontesté des ondes fera-t-il perdre au 98,5 la première position qu’il détient depuis des années à Montréal ? 

« Oui, Paul Arcand est un monument. Oui, ce sont de gros souliers à chausser. Mais je crois que Patrick Lagacé a tout ce qu’il faut pour réussir. Il est très conscient du défi qui l’attend. On travaille très fort pour monter son équipe », répond Pierre Jobin, qui croit que le 98,5 continuera de dominer sur le plan des audiences.

Dans le créneau de la radio parlée d’information, seule Radio-Canada, qui ne diffuse pas de publicité, est en concurrence directe avec le 98,5 dans la métropole à l’heure actuelle. Le marché de Québec, pourtant beaucoup plus petit, compte étrangement beaucoup plus de stations.

Bell, le principal concurrent de Cogeco, pourrait en théorie profiter du départ de Paul Arcand pour convertir l’une de ses antennes à Montréal en radio parlée, mais cela nécessiterait de longues démarches auprès du CRTC qui ne sont pas près d’aboutir, souligne Pierre Jobin. Québecor a aussi jonglé un temps avec l’idée de se lancer dans la radio traditionnelle, mais les règles du CRTC empêchent une même entreprise d’avoir à la fois un quotidien, une station de télévision et une fréquence radio dans le même marché. Et malgré toutes les coupes effectuées cette année, Québecor ne se débarrassera jamais de TVA, en est convaincu Pierre Jobin. 

Réglementation d’une autre époque 

En novembre, l’entreprise dirigée par Pierre Karl Péladeau a annoncé la suppression de 547 postes au sein de Groupe TVA, soit près d’un tiers de l’effectif. Plusieurs anciens collègues de Pierre Jobin perdront leur emploi. L’information locale écope particulièrement dans cette vague de compressions : les bulletins de nouvelles des stations régionales seront produits à partir de Québec. 

« On ne peut pas supprimer 500 emplois sans que ça paraisse sur la qualité, forcément. C’est sûr que pour les gens en région, ce sera un choc, au début, de voir leur bulletin de nouvelles animé par quelqu’un de Québec. Mais on va finir par s’adapter. » 

La télévision, comme la radio, ne mourra pas, croit Pierre Jobin. Mais les règles du CRTC qui l’encadrent datent d’une autre époque, et il est pressant qu’elles soient modifiées. « Actuellement, un abonnement pour Netflix, ça coûte une dizaine de dollars par mois, alors que l’abonnement au câble, ça monte à une centaine de dollars parce que les gens sont obligés de prendre un bouquet de chaînes. Mais les gens en écoutent juste une ou deux là-dedans. Si on leur permettait de juste s’abonner à LCN pour 2-3 $ par mois, ou à TVA Sports pour 2-3 $, ce serait déjà une grande avancée », suggère le futur retraité.

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