Le variant Delta, à l’origine d’une recrudescence des cas d’infection à la COVID-19, coupe les ailes de certains transporteurs américains en raison d’une demande qui pique du nez. Ces nouvelles turbulences n’ont pas encore été ressenties par Transat A. T., mais sont bien visibles sur son écran radar.
Le voyagiste québécois, dont les avions ont redécollé progressivement depuis le 30 juillet dernier après une pause forcée de six mois, mise grandement sur la réouverture des frontières et le créneau des destinations soleil — prisé par les voyageurs pendant la saison hivernale — dans l’espoir de reprendre de l’altitude.
Si la quatrième vague de la crise sanitaire ne s’est pas encore reflétée sur les réservations, la présidente et cheffe de la direction de Transat, Annick Guérard, est bien consciente que le portrait peut changer rapidement.
« Dépendamment de l’évolution de la situation, il y a encore beaucoup d’incertitude dans le marché, nous allons nous ajuster, a-t-elle expliqué, jeudi, au cours d’une conférence téléphonique afin de discuter des résultats du troisième trimestre. Mais jusqu’à présent, la tendance est stable. »
La société mère d’Air Transat est demeurée dans le rouge au troisième trimestre terminé le 31 juillet dernier, où ses avions sont demeurés cloués au sol à l’exception d’une journée, le 30 juillet, qui marquait la reprise de ses activités.
Signe que les voyageurs surveillent de près le contexte sanitaire, ceux-ci prennent leur temps avant d’effectuer une réservation, a expliqué Mme Guérard.
« Ils sont encore prudents et décident à la dernière minute, a laissé tomber la dirigeante de Transat. Mais il est clair qu’ils ont très hâte de voyager. »
Depuis la reprise des activités, le taux d’occupation des avions du voyagiste était d’environ 85 %, a souligné Mme Guérard, en ajoutant que le nombre de vols était bien en deçà de son niveau habituel.
Un voyant rouge
Aux États-Unis, des compagnies aériennes comme United Airlines, Delta Air Lines, American Airlines, JetBlue et Southwest se retrouvent avec du plomb dans l’aile en raison de la forte augmentation des cas de COVID-19. Elles ont chacune signalé que certaines cibles financières risquaient de ne pas être atteintes.
Dans un document déposé auprès des autorités réglementaires, jeudi, United a expliqué que la quatrième vague avait provoqué une baisse des réservations et des profits.
Chez Air Canada, le chef de la direction financière Amos Kazzar, qui prenait part, jeudi, à une conférence organisée par la Banque Royale du Canada, a souligné que le transporteur aérien fonctionnait, au troisième trimestre, à entre 35 % et 40 % de sa capacité à la même période en 2019.
Selon un rapport de Walter Spracklin, de RBC Marchés des capitaux, M. Kazzar, lorsqu’interrogé sur l’impact du variant Delta, a souligné qu’il était encore difficile à cerner, puisque l’entreprise anticipait une baisse saisonnière de la demande pendant l’automne.
En raison de l’incertitude entourant la quatrième vague, Transat n’a pas offert de prévisions financières pour le reste de l’année ainsi que pour la saison hivernale. Il faudra attendre au moins jusqu’en 2023 avant de renouer avec les niveaux observés avant la pandémie, selon la société.
L’entreprise prévoit offrir jusqu’à 50 vols par semaine ce mois-ci et 70 en octobre. Environ 90 % des destinations habituellement offertes par le voyagiste sont disponibles. En ce qui a trait à la saison hivernale, la capacité de Transat est de 35 % inférieure à son niveau d’avant la crise.
« En raison de l’impact de la pandémie sur les voyages internationaux, nous ne voyons pas Transat bénéficier de l’augmentation du trafic aérien d’ici la (saison hivernale) », a estimé l’analyste Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, dans une note où il prévoit des pertes au moins jusqu’à l’année prochaine.
Des discussions qui avancent
Depuis qu’elle a pris la relève de Jean-Marc Eustache aux commandes en mai dernier, Mme Guérard avait annoncé ses couleurs en abandonnant le projet de chaîne hôtelière dans les Caraïbes.
Après un mariage qui ne s’est jamais concrétisé avec Air Canada et des négociations qui ont échoué avec Pierre Karl Péladeau, la nouvelle dirigeante du voyagiste souhaite plutôt miser sur les activités aériennes du voyagiste en mettant l’accent sur l’est du Canada.
L’entreprise veut aussi miser sur un réseau de liaisons intérieures vers les provinces de l’Ouest canadien, continuer à offrir des vols internationaux et conclure des alliances avec d’autres transporteurs pour partager certaines liaisons, par exemple.
Depuis plusieurs mois, les discussions progressent rapidement et des ententes devraient être conclues d’ici la fin de l’automne, a expliqué Mme Guérard.
« Nous voulons conclure des ententes qui nous permettront de rapides gains tout en bâtissant une relation de confiance qui pourrait nous mener vers une alliance stratégique plus importante », a-t-elle dit.
Transat A. T. a précisé que des partenariats ne se limiteraient pas au marché nord-américain et qu’il pourrait s’agir d’ententes bilatérales. L’industrie aérienne compte des regroupements comme Star Alliance — dans lequel on retrouve Air Canada — Sky Team et Oneworld.
Ces accords de coopération permettent entre autres aux compagnies membres de réduire certains coûts fixes et d’élargir leurs réseaux grâce aux liaisons exploitées par leurs alliés.
À la Bourse de Toronto, jeudi après-midi, l’action de Transat a clôturé à 4,88 $, en baisse de six cents, ou 1,2 %.
Avec l’Agence France-Presse
Transat au troisième trimestre (la période correspondante de l’exercice précédent est entre parenthèses)
Perte nette : 138,1 millions, ou 3,66 $ par action (45,1 millions, ou 1,20 $ par action)
Revenus : 12,5 millions (9,5 millions)
Perte ajustée : 115,6 millions, ou 3,06 $ par action (139,8 millions, ou 3,70 $ par action)
Trésorerie et équivalents : 429,4 millions (576,4 millions)
Une quatrième vague qui fait réfléchir | Transat n'a pas fini de souffrir - La Presse
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