Stephan LeBlanc, un homardier du Nouveau-Brunswick, a consommé 9000 litres de diesel en deux mois lors de la dernière saison de pêche. Il envisage maintenant de convertir son bateau de pêche à une propulsion électrique hybride.
La pêche est une industrie qui est présente dans toutes nos communautés, ça peut avoir un impact énorme si on applique cette transition à toute la flotte ou à une grande partie de la flotte
, dit Stephan Leblanc, pêcheur de homard au quai de Cap-Pelé dans le sud-est du Nouveau-Brunswick.
Il pourrait devenir le premier pêcheur de son association professionnelle, l'Union des pêcheurs des Maritimes, à faire la transition.
L'organisation, qui représente 1300 pêcheurs, espère d'ailleurs que ce projet puisse servir de modèle et inspirer d'autres pêcheurs pour lancer une prochaine génération de bateaux hybrides pour la pêche au homard .
Ça vient juste de ma conscience, mon style de vie qui est déjà plus écologique
, dit le pêcheur.
Le homardier de Stephan Leblanc est actuellement en calle sèche pour des travaux de routine. La conversion à un moteur hybride coûterait, selon lui, entre 150 et 300 000 dollars.
Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach
Après deux ans de recherche exploratoire, Stephan LeBlanc espère pouvoir commencer les travaux de conversion de son bateau à une propulsion hybride électrique dans un avenir proche.
Mon transit serait d'environ trois heures par jour, et mes activités de pêche, de sept à huit heures, seraient électriques
, dit-il.
La propulsion électrique prendrait le relais pour les activités de pêche en mer, avec l’aide des batteries installées dans la coque du navire, tandis que le moteur diesel serait davantage utilisé pour se rendre du quai à la zone de pêche.
Il estime des économies de carburant de 30 à 40 % par année.
Un premier bateau de pêche hybride
L'une des entreprises qui se spécialise dans la conversion électrique des navires dans les Maritimes est Aspin Kemp & Associates, à l'Île-du-Prince-Édouard.
L’entreprise a conçu son premier bateau pour la pêche côtière au homard appelé Hybrid I qui vient de terminer sa saison avec des pêcheurs de la première nation de Passamaquoddy dans la Baie de Fundy.
Le 20 juillet 2023, le Hybrid I quittait l'Île-du-Prince-Édouard pour être livré à la Première nation de Passamaquoddy dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick pour être utilisé comme bateau de pêche au homard.
Photo : Radio-Canada / Steve Bruce/CBC
Le bateau fonctionne tel qu'escompté et ils sont très contents de sa performance
, indique le PDG de Aspin Kemp & Associates, Jason Aspin.
L’entreprise estime que le marché est important dans cette région avec 14 000 bateaux en Atlantique qui pourraient être candidats à ce genre de technologie
. Cependant, Jason Aspin modère les attentes. Ça va vraiment dépendre du financement public et de la façon dont la technologie va évoluer
, dit-il.
Aspin Kemp & Associates n’a pas de bateau de pêche hybride en construction pour l'instant et c’est un choix délibéré. Nous ne prévoyons pas avoir avant une mise en marché prochainement. Nous voulons d'abord optimiser le système et baisser le prix, et ça va prendre encore un certain temps à notre entreprise pour faire de la recherche et du développement
, indique Jason Aspin.
La chaîne d'approvisionnement est encore au ralenti, et l’entreprise estime les délais de livraison des pièces de six à douze mois.
Le PDG de Aspin-Kemp & Associates, Jason Aspin.
Photo : Radio-Canada
Et puis, il y a le prix. L'entreprise aimerait pouvoir convertir des bateaux en deça de 200 000 dollars.
Si vous avez un bateau qui vous coûte 40 000 dollars d'essence et que vous épargnez, disons, 30 % en mode hybride, donc 12 000 par année, alors ça va prendre beaucoup de temps pour financer la transition. Alors il va falloir des fonds si on veut aller vers ce genre de bateau et ça va dépendre à quel endroit le gouvernement met ses priorités
, fait valoir M. Aspin.
En ce moment, Ottawa peut fournir un financement jusqu’à un maximum de 75 % des coûts admissibles d’un projet, jusqu’à concurrence d’un million de dollars par année au titre de son Programme d’adoption des technologies propres pour les pêches et l’aquaculture.
Le Fonds des pêches de l’Atlantique a aussi versé plus de trois millions de dollars à l’Association des pêcheurs de l’Île-du-Prince-Édouard en 2022 pour mettre à l’essai les technologies de propulsion électrique et hybride pour la pêche au homard.
Le prix sera le nerf de la guerre
Au prix actuel, ce n’est vraiment pas rentable, surtout qu'on a une saison de seulement 60 jours
, dit Pierre Dupuis, directeur général d’Homarus, la branche scientifique de l’Union des pêcheurs des Maritimes.
Des casiers et des bateaux au quai de l'Aboiteau, à Cap-Pelé où pêche Stephan LeBlanc, à quelques jours du début d'une nouvelle saison au homard dans la zone 25.
Photo : Radio-Canada / Catherine Allard
Homarus collabore au projet de conversion électrique avec Stephan LeBlanc.
Une des raisons pour lesquelles on n’a pas encore commencé, c’est que je trouvais les risques un peu hauts pour que Stephan s’embarque dans ce projet, et on est encore en train de faire les études pour voir où ça va être rendu, les projets existants
, indique Pierre Dupuis.
À l'Union des pêcheurs des Maritimes, on estime qu'il faudra une décennie à un pêcheur pour recouvrer l'argent investi dans la conversion.
On reconnaît aussi que les pêcheurs se méfient d’une technologie qui n’a pas encore fait ses preuves et du manque de place sur les bateaux pour loger les moteurs à la fois diesel et électriques, ainsi que les batteries. On s'interroge aussi sur le poids, qui pourrait jouer sur l’équilibre du bateau.
Pierre Dupuis, directeur d'Homarus, à Shediac, au Nouveau-Brunswick.
Photo : Radio-Canada / Mina Collin
Mais Pierre Dupuis est loin de jeter l’éponge et regarde avec intérêt les travaux sur l’Hybrid I.
Je pense que c'est un but qui est à très long terme [de convertir la flotte à la propulsion électrique], mais je pense qu’à court terme, il peut y avoir plusieurs pêcheurs qui adoptent la nouvelle technologie.
Stephan LeBlanc convient, lui aussi, qu'il reste encore de nombreuses barrières et surtout un réel engouement des pêcheurs, des associations et de la classe politique.
Il y a de l'argent disponible, mais on ne s’est pas assuré qu'il y a des fournisseurs qui sont prêts à faire ce genre de travail là. Donc, je pense qu'on est en arrière des transports publics, on est en arrière d'autres secteurs comme les voitures individuelles et des autres industries qui sont déjà là
, dit Stephan LeBlanc.
La donne va changer lorsque le prix du carburant va augmenter, croit le pêcheur.
Un mouvement pour l'électrification des flottilles de pêche - Radio-Canada.ca
Read More
No comments:
Post a Comment