Hydro-Québec met en garde la Ville de Montréal contre les conséquences d’un passage trop brusque du gaz vers l’électricité dans le chauffage des bâtiments.
La société d’État avertit qu'elle ne pourra pas suffire à la demande si la nouvelle réglementation ferme la porte à l'approche biénergétique qu'elle préconise.
Si on allait dans une logique tout électrique (chauffage, grands bâtiments, etc.), ça créerait une demande qui est énorme. Ce n’est pas réaliste [...] : il manquerait des lignes électriques, des postes
, prévient le porte-parole chez Hydro-Québec, Maxence Huard-Lefebvre.
Le 16 février, les élus de la Commission sur l'eau, l'environnement, le développement durable et les grands parcs de la Ville de Montréal ont recommandé d’interdire dans les plus brefs délais
tout raccordement de nouveaux bâtiments au réseau de gaz naturel.
La Commission recommande également le retrait graduel des systèmes de chauffage fonctionnant au moyen d’un combustible fossile dans les bâtiments existants
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Selon nos sources, la conversion à l’électricité de tous les systèmes de chauffage au gaz à Montréal dans le bâtiment représenterait un besoin d’alimentation supplémentaire de 4500 mégawatts (MW) pour Hydro-Québec.
Il s’agit d’une puissance significative qui s’ajouterait aux 23 000 MW de demandes d’alimentation d’industries sur la table du ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, Pierre Fitzgibbon. Ce dernier est aussi ministre responsable de la Métropole et de la région de Montréal.
La demande pourrait même être encore plus importante si d’autres municipalités décidaient de suivre l’exemple de Montréal. C’est actuellement le cas de Mont-Saint-Hilaire, Otterburn Park, Petit-Saguenay, Prévost et Saint-Cuthbert, qui réclament au gouvernement du Québec l'interdiction du chauffage au gaz naturel dans toutes les nouvelles constructions.
La biénergie au cœur des discussions
La Commission de la Ville de Montréal recommande également de limiter l’utilisation du gaz naturel à 15 % dans le cas de la biénergie et seulement en période de pointe
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Or, avec la biénergie, 30 % de l’apport énergétique des clients résidentiels vient du gaz et 70 % de l'électricité.
Selon Hydro-Québec, sans la biénergie, ça ne fonctionne pas pour nous
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« Nous mettons la Ville en garde des conséquences qu’aurait une réglementation ne permettant pas à l’offre biénergie d’être déployée. »
L’enjeu, c’est la pointe hivernale, rappelle Hydro-Québec, lorsque les températures froides accentuent la demande et mettent de la pression sur le réseau.
Des discussions en cours
À la Ville de Montréal, on demeure prudent. Nous allons prendre le temps d’analyser l’ensemble des recommandations et nous y donnerons suite dans les prochains mois
, explique l’attachée de presse du comité exécutif, Marikym Gaudreault.
« Nous allons prendre le temps de les analyser et cela se fera également en collaboration avec Hydro-Québec et Énergir. »
Le règlement n’est pas encore écrit et la Ville pourrait très bien prendre un chemin différent des élus de sa Commission.
La porte-parole du comité exécutif de Montréal se réjouit néanmoins de l’intérêt soulevé lors des consultations.
On constate aujourd’hui que l’effort de consultation publique sur notre feuille de route vers des bâtiments zéro émission est un succès, écrit Mme Gaudreault. Une cinquantaine d’organismes, d’entreprises et de citoyens ont participé à la réflexion, ceci démontre à quel point c’est un dossier important pour la population montréalaise.
Une collaboration à l'épreuve
En mai 2022, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, se réjouissait de la signature d’une entente de collaboration avec Hydro-Québec pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le secteur du bâtiment.
Je suis particulièrement fière d’annoncer ce partenariat, qui mettra l’immense expertise de notre société d’État au profit de Montréal
, disait la mairesse.
Autant il faut réduire le recours aux énergies fossiles, autant il importe de le faire au meilleur coût possible
, affirmait pour sa part la PDG Sophie Brochu.
La Ville de Montréal souhaite que les bâtiments construits sur son territoire deviennent carboneutres d’ici 2040.
Pour Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie à Greenpeace Canada, les recommandations des élus de Montréal confirment le leadership de la Ville et mettent en lumière le fait que le gouvernement du Québec dort au gaz alors qu’il devrait réglementer pour sortir les énergies fossiles des bâtiments
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1 milliard $ pour du GNR
Au mois de mai 2022, Hydro-Québec et Énergir obtenaient l'approbation de la Régie de l’énergie visant à convertir des systèmes de chauffage au gaz à la biénergie afin de réduire les gaz à effet de serre.
La décision a toutefois été portée en appel. La semaine dernière, la Régie s’est ravisée et ne permettra pas à Hydro-Québec de hausser ses tarifs pour financer l’entente avec Énergir. La société d’État affirme toutefois que le partenariat va aller de l’avant, mais qu'elle devra vraisemblablement rogner sur ses profits.
Hydro estime que la biénergie permettra de réduire au Québec les GES de 540 000 tonnes d’équivalent CO2 d’ici 2030 et générer des économies de l’ordre de 1,7 milliard $ par rapport à l’électrification complète.
Dans son mémoire, Hydro demandait par ailleurs à la Commission d’adopter une position reconnaissant le gaz naturel renouvelable comme étant une source d’énergie qui ne génère aucune émission de GES
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Les opposants à l’entente sur la biénergie, notamment des groupes écologistes et de défense des consommateurs, croient qu’il y a d’autres moyens pour gérer la pointe hivernale. Ils prônent davantage l’utilisation de thermopompes et d'accumulateurs de chaleur, ce qui permettrait une décarbonation des bâtiments.
Je déplore le manque d’ambition d’Hydro-Québec. Est-ce que l’obligation de desservir s’applique seulement aux industriels? Et cela ne s’applique pas à la décarbonation? Hydro-Québec trouve prétexte par-dessus prétexte pour ne pas décarboner. La biénergie, c’est une demi-mesure
, croit Jean-Pierre Finet, du Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEE), en entrevue avec Radio-Canada.
Énergir vient de signer un partenariat de 1 milliard de dollars avec la danoise Nature Energy afin d’accélérer la production de gaz naturel renouvelable (GNR) au Québec. Selon le distributeur de gaz québécois, ces installations permettraient une réduction annuelle de 400 000 tonnes de GES d’ici 2030. Actuellement, Énergir a moins de 1 % de GNR qui circule dans son réseau.
De l'eau dans le gaz entre Montréal et Hydro-Québec - Radio-Canada.ca
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