Si le Moishes rouvre grand ses portes mercredi loin de la Main, une immense carte du boulevard Saint-Laurent datant de 1879 occupe l’espace central du restaurant mythique de Montréal.
De la pierre d’onyx ambré qu’on voit derrière le bar aux lustres illuminant les imposants fauteuils couleur cabernet, l’âme du steakhouse de Montréal fondé en 1938 par Moishe Lighter – qui a accueilli les Marlon Brando et Frank Sinatra – est manifestement encore là, pour sa réouverture dans le Quartier international de la métropole.
Un décor qui rend hommage au cachet du passé tout en étant épatant pour son époque : c’était la tâche de la designer Patty Xenos. Elle était sans doute la mieux placée pour le faire puisque c’est elle qui avait orchestré la rénovation du Moishes en 2011. « Il fallait un look timeless qui permet aux habitués de s’y retrouver, mais qui impressionne les nouveaux clients », indique-t-elle.
Mais le Moishes aurait pu rester fermé pour de bon, a confié lundi matin Jean Bédard, président du Groupe Grandio (anciennement Sportscene), rentré la veille de Bordeaux, où il a inauguré la première succursale de La Cage en France et même à l’extérieur du Québec.
C’est en 2018 que Lenny Lighter, le fils du fondateur Moishe Lighter, a pris contact avec Jean Bédard pour assurer l’avenir de Moishes. Ce dernier désirait avoir une plus forte présence à Montréal, alors que la Caisse de dépôt souhaitait la venue d’un restaurant haut de gamme dans son édifice.
Or, déménager un restaurant comme Moishes après la fin de son bail au 3961, boulevard Saint-Laurent était un plan plus réaliste avant qu’après la pandémie. « Pendant longtemps, nous n’étions pas certains de le rouvrir », raconte Jean Bédard, qui travaille avec ses deux fils et dont le groupe compte 4000 employés.
« Il y avait eu tout un travail pour préserver l’ADN de Moishes, poursuit-il. Les plans et le design étaient faits… »
Il allait donc de soi de ranimer Moishes quand la vie normale aurait repris son cours. « Si tous les gens qui m’ont demandé “quand rouvres-tu Moishes ?” viennent, ça devrait bien aller », blague Jean Bédard.
« L’objectif est d’être aussi ouvert le midi à l’automne », précise-t-il.
Un pari chanceux
Un peu d’histoire : Moishe Lighter était aide-serveur avant d’avoir le restaurant qui allait porter son nom en 1938. Il est devenu propriétaire des lieux, le Romanian Paradise, après avoir fait un pari avec le patron.
« C’était un bar », raconte la designer Patty Xenos, qui a tenu à reproduire le plancher de tuile du Romanian Paradise autour du bar du nouveau Moishes. Un bar autour duquel les gens pourront s’asseoir alors que ce n’était pas le cas avant. « J’ai préservé le cœur », précise la designer.
Pour la salle privée au fond du restaurant, Patty Xenos a voulu reproduire une salle à cartes. Un clin d’œil à la main chanceuse de Moishe Lighter.
Petite, Patty Xenos fréquentait le Moishes avec son père. Selon elle, il faut davantage valoriser les institutions de la restauration montréalaise qui perdurent sous le signe de la tradition et non des tendances.
Pour beaucoup de gens, c’est un must d’aller chez Moishes quand ils viennent à Montréal.
Patty Xenos, designer
Patty Xenos souhaite aussi remettre en valeur l’idée que le temps s’arrête quand on sort en grand au restaurant. Beaucoup d’efforts ont été mis dans l’acoustique du nouveau Moishes pour que le flot des conversations y soit agréable, souligne-t-elle.
Constance et authenticité
Sur la carte, de nouveaux plats – même végétariens – s’ajouteront au menu de ceux inspirés de l’Europe de l’Est. On promet des grillades de catégorie USDA Prime.
En cuisine, on retrouvera le chef Murteza Talu, qui a travaillé pendant près de 10 ans dans un autre restaurant phare de Montréal, le Damas.
« C’est un honneur et un défi », dit-il en rappelant que Moishes a déjà figuré dans le top 10 des meilleurs steakhouses au monde du magazine Forbes.
« Il faut perpétuer la tradition pour que les gens reviennent chez Moishes encore dans 20 ans », dit celui qui a quitté la Turquie pour le Canada comme étudiant étranger quand il avait 16 ans.
Pour durer en restauration, il faut oser tout en respectant son ADN, renchérit Jean Bédard. « C’est aussi d’oser déménager », blague-t-il.
La vie, la ville | À 85 ans, le Moishes se ranime au square Victoria - La Presse
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