Des piscines en bois fabriquées et vendues par Trévi sont pourries, effritées et parfois trouées après seulement quelques années. Pourtant, ces piscines semi-creusées et hors terre faites en cèdre rouge de l’Ouest canadien devaient offrir une durabilité supérieure et une tranquillité d’esprit à ses propriétaires.
La piscine de Martin Lépine n’avait que cinq ans quand il a découvert non seulement des traces de pourriture, mais un trou dans sa structure de bois.
Martin Lépine et sa conjointe Marie-Claude Marchand habitent Greenfield Park sur la Rive-Sud près de Montréal. En 2017, ils achètent une piscine semi-creusée au coût de 19 000 $. Le couple fait confiance à Trévi qui fabrique, vend et installe ses propres piscines. Moi, c'est un coup de cœur! C'était pas une piscine creusée que je voulais, c'était celle-là
, raconte Mme Marchand.
30 ans dans le sol sans problème
Martin et Marie-Claude sont quand même inquiets de la conception de ces piscines semi-creusées qui implique qu’une partie des panneaux de bois est enfouie dans le sol. Ils questionnent leur vendeur qui les rassure et leur dit de ne pas s'inquiéter avec ça, que leur piscine ne bougera pas.
« Il dit : "Non, écoute, inquiète-toi pas! C'est en cèdre rouge de l'Ouest canadien, c'est un bois qui ne pourrit pas, et ça peut être 30 ans dans le sol sans problème". »
D’autres propriétaires confirment que leurs vendeurs mentionnaient une durée de vie d’au moins 20, 25 ans et parfois plus.
Pourtant, Benoît Hudon, président de Trévi Fabrication, a affirmé à La facture avoir estimé la durée de vie de ses piscines de bois à environ 15 ans, soit la même durée que la garantie offerte.
Un trou et de la pourriture
Au printemps 2022, soit cinq ans après l’installation de la piscine, Martin dégage les pierres autour de la structure afin d’appliquer une protection sur ses panneaux de bois. C’est là qu’il découvre un trou assez gros pour voir la toile de sa piscine à travers. Plusieurs autres panneaux sont également endommagés par la pourriture. Il n’y a pas de paroi à l'intérieur, c'est vraiment le bois qui tient la piscine. C'est la structure qui est attaquée après cinq ans
, se désole Martin Lépine.
Le technicien envoyé par Trévi fait un test d’eau afin de déterminer le taux de pH. Selon Benoît Hudon, président de Trévi Fabrication, le taux de pH peut être l’une des causes de pourriture.
Selon Martin Lépine, Trévi tente ainsi de mettre la faute sur le client en disant : Tu n'as pas bien entretenu ton eau
ou Ton eau n’est pas bien balancée
.
Et il n’est pas le seul à s’être fait servir cet argument, si on en croit les nombreux témoignages rapportés par le groupe Facebook Ma piscine en cèdre est pourrie!
qui comporte plus de 80 propriétaires de piscines en bois de Trévi.
Impossible de savoir combien de ces piscines ont été vendues ni le nombre de réclamations concernant de la pourriture, puisque Trévi n’a pas voulu nous fournir ces données. Toutefois, Trévi estime qu'un très faible pourcentage des piscines vendues ont eu des problèmes.
Et dans une brochure datant de 2014, on mentionne qu'à ce jour, Trévi a fabriqué plus de 7000 piscines en cèdre
.
Benoit Hudon refuse de dire qu'il s'agit d’un vice de conception, mais admet que certaines de ses piscines en bois ont une usure prématurée, principalement depuis 2012.
« Pendant plusieurs années, ça a super bien fonctionné, ça a bien marché. Puis, en 2012, ils ont eu des changements sur les lois environnementales, au niveau des composantes de matières premières, de traitement de bois. On s'est rendu compte que le traitement du bois était moins efficace qu'avant 2012. C'est une partie de l'explication. Ce n'est pas la totalité, parce que c'est vraiment du cas par cas. Est-ce que c'est le traitement? Est-ce que c'est l'entretien? Est-ce que c'est le traitement de l'eau? Est-ce que c'est l'égouttement du terrain? Chaque cas, c'est particulier. »
En 2018, Trévi a mis fin à la production de ses piscines en cèdre pour miser plutôt sur des produits composites.
Bois et humidité ne font pas bon ménage
Quand il est en contact avec le sol, le cèdre, il n'est pas très bon
, affirme Marc Oudjene, professeur titulaire au Département de génie civil et de génie des eaux de l'Université Laval et titulaire de la Chaire de leadership en enseignement sur les structures durables en bois. Selon le professeur, aucun bois ne présente une durabilité naturelle infinie et il n’y a pas de bois indestructible.
Il souligne que l’utilisation d’une membrane pour éviter que le bois ne soit directement en contact avec le sol est une bonne option, car il est certain que l'ennemi numéro un, c'est l'humidité qui provient du sol
, soutient M. Oudjene.
Ensuite, il y a le traitement chimique du bois qui a une incidence sur sa durabilité. Même si le cèdre rouge de l’Ouest est une essence qui est réputée avoir une bonne durabilité, si elle n'est pas traitée et si elle est en contact avec le sol, il est très difficile d'aller au-delà de dix ans avec ça, explique M. Oudjene.
Et le traitement doit au minimum être de classe quatre, c’est-à-dire un traitement en usine sous pression, par exemple, comme le font d'autres entreprises de piscines de bois. Or, le traitement recommandé par Trévi devait être appliqué par le propriétaire avant l’installation, puis tous les deux à trois ans sur la partie à l’extérieur de la terre, l’autre partie étant enfouie. Ce qu’a fait Martin Lépine.
« Le produit de préservation, s'il est appliqué au pinceau ou à la pulvérisation, c'est sûr que ça ne vaut rien, parce qu'en fait ça ne traite pas en profondeur, ça traite juste en surface. »
Garantie qui diminue avec les années
Le technicien de Trévi recommande à Marie-Claude Marchand et Martin Lépine de boucher le trou et d’attendre au remplacement de leur toile, dans quelques années, avant d’évaluer la possibilité de changer quelques planches ou de procéder à l’installation de panneaux d’acier vissés dans le bois.
Une solution qui est loin de satisfaire le couple. Sa piscine est pourtant couverte par une garantie de 15 ans. D’autant plus qu'attendre signifie que, plus les années passent, moins grande sera la portion couverte par la garantie qui est dégressive. Ainsi, la portion assumée par Trévi diminue chaque année. Par exemple, après 10 ans, le client n’a droit qu’à un rabais de 35 % du coût des matériaux de remplacement, mais rien pour la main-d'œuvre, la livraison ou les réparations de l’aménagement paysager.
Marie-Claude Marchand et Martin Lépine ont finalement accepté une offre confidentielle de Trévi dont ils se disent satisfaits. D’ailleurs, plusieurs propriétaires se sont entendus avec Trévi au cours des dernières semaines. On a fait des propositions, on a honoré les garanties et même plus
, confirme M. Hudon.
Les propriétaires ont des recours en vertu de la LPC
Marie Annik Grégoire, professeure de droit à l’Université de Montréal, estime que le pourcentage de cette garantie diminue beaucoup, d'année en année, et que le consommateur moyen qui s'est fait dire votre piscine est garantie quinze ans
, n’était pas nécessairement en mesure de comprendre que c'est une garantie où, finalement, sa piscine ne sera pas vraiment garantie
, déplore Me Grégoire.
Selon elle, les propriétaires sont mieux protégés par la Loi sur la protection du consommateur (LPC) qui contient des dispositions, dont l’article 42. Lorsqu'un commerçant fait des représentations quant à la qualité, quant à la durée, bien il est lié par ces représentations-là
, explique Marie Annik Grégoire.
« Et donc, si la piscine devient toute pourrie au bout de cinq ans, c'est clair que les consommateurs ont des recours en vertu de la loi. »
Un autre avantage de la LPC par rapport à la garantie, selon Me Grégoire, est que le consommateur peut réclamer des dommages, y compris la main-d'œuvre, pour procéder aux réparations. Le consommateur a droit à cela malgré ce qui a pu être inscrit dans le contrat, puisque la garantie ne peut en aucun cas primer sur la Loi de la protection du consommateur, précise-t-elle.
L’action collective : une bonne option?
Je crois beaucoup à la force de l'union et, oui, peut-être qu'ils auraient avantage à prendre une action collective
, estime Marie Annik Grégoire. Chaque personne n’aura pas à poursuivre individuellement, ce qui amène une certaine paix d'esprit, car on n'a pas à gérer le stress de son dossier. Par contre, les délais peuvent être plus longs qu’un recours au tribunal des petites créances, étant donné que l’action collective est une procédure un peu plus complexe qui demande une autorisation au préalable. Et il y a également les honoraires d’avocats à prendre en considération dans le calcul.
« Peut-être qu'on ne retrouvera pas l'ensemble des dommages qui ont été subis. Mais, des fois, contre la paix d'esprit, les gens préfèrent ça et l'union fait la force! »
Trévi en eau trouble avec ses piscines en bois - Radio-Canada.ca
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