Heures d’ouvertures réduites, commerces fermés, contrats perdus, les effets de la pénurie de main-d’œuvre se font de plus en plus sentir, mais le pire reste à venir. Le Québec s’apprête à connaître un « creux historique » de travailleurs disponibles en 2030, signale le ministre du Travail, qui prévient qu’il faudra travailler plus vieux.
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« On n’a pas suffisamment de monde pour assurer un taux de remplacement, ce qui fait qu’entre 2019 et 2028, les économistes et les démographes anticipent à peu près 1,4 million de postes vacants », analyse froidement Jean Boulet, manches relevées, depuis son bureau à l’Assemblée nationale.
Le constat est clair : « Ça ne se résorbera pas miraculeusement et je le redis, c’est un défi de société », tranche-t-il.
Le Québec se retrouvera devant un mur en 2030, alors que la proportion de population active chutera à 60,4 % avec le vieillissement de notre société.
D’autres pays ont connu le même enjeu et s’en sont bien tirés, notamment les États-Unis et, de façon plus critique, le Japon. Dans ce pays l’âge de la retraite a été repoussé à 70 ans, dit Jean Boulet. « Tout est automatisé » et « ils n’ont à peu près pas d’immigration », souligne-t-il.
La stratégie du gouvernement, dont un pan important sera dévoilé jeudi, lors de la mise à jour économique, repose sur quatre grands piliers : la requalification, l’intégration, l’immigration et le maintien en emploi.
Selon lui, faire venir des travailleurs qualifiés « est une option intéressante [...], mais il faut d’abord travailler avec notre main-d’œuvre ici ».
C’est pourquoi Québec souhaite encourager les travailleurs à se requalifier. Ceux qui « ambitionnaient de se réorienter [mais] ne savaient pas comment faire » auront des opportunités de se « façonner personnellement », révèle Jean Boulet. Le gouvernement entend aussi impliquer tout le monde pour relever ce défi, y compris certaines « clientèles » où le taux d’emploi reste moins élevé : les personnes handicapées, les candidats à la réinsertion sociale et les jeunes.
Les Québécois devront aussi se faire à l’idée, il faudra travailler plus vieux, lâche Jean Boulet. « On a trop de départs à la retraite trop rapidement », tranche-t-il.
Le ministre se dit convaincu qu’une « partie des changements de paradigmes que la pénurie de main-d’œuvre va imposer » reviendra aux employeurs, pour qu’ils s’assurent d’accommoder leurs travailleurs les plus âgés.
Des personnes de 71 ans et plus pourraient vouloir continuer à travailler et il est important de « s’ouvrir à ça ». « Les parcours linéaires, on va en voir de moins en moins [...] Et la durée de vie d’une carrière va augmenter considérablement, j’en suis convaincu », dit-il.
Les entreprises auront aussi leur part à faire, notamment pour « s’automatiser, se robotiser, se numériser », un « impératif incontournable », selon lui.
« Les études des HEC montrent que 25 % seulement des processus d’affaires des entreprises manufacturières au Québec sont complètement automatisés alors que c’est 55 % aux États-Unis, 75 % en Allemagne », pointe Jean Boulet.
Oui, la pénurie de main-d’œuvre « freine le développement » de certaines entreprises, reconnaît-il.
Mais si cet enjeu n’est pas « une responsabilité qui repose uniquement sur les épaules de l’État », Québec sera là pour les accompagner, assure-t-il.
Les idées ne manquent pas pour pallier le manque de personnel dans les entreprises. Si le ministre Boulet accueille favorablement certaines, il en écarte plusieurs autres. Tour d’horizon :
Serait-il possible de ne pas imposer les heures supplémentaires, pour encourager les travailleurs à rester plus longtemps au boulot ?
« La défiscalisation du temps supplémentaire, ce n’est pas une option qu’on considère. On fait plus des réflexions au sujet de potentiels incitatifs fiscaux. Il y en a auxquels j’ai déjà fait référence, comme le crédit d’impôt, la capacité d’opter pour cotiser ou non à la Régie des rentes du Québec après un certain âge.
Pourriez-vous obliger certains secteurs à fermer le dimanche pour les aider à offrir de meilleures conditions de travail ?
Libre choix. On l’a mentionné quand il y a eu le débat avec l’Association des quincailliers du Québec. Chacun est libre et ce n’est pas quelque chose qui est analysé en ce moment.
Que pensez-vous d’améliorer les incitatifs fiscaux pour encourager l’embauche de travailleurs ?
Tout est sur la table, dit le ministre Boulet, notamment bonifier les incitatifs fiscaux pour l’intégration et l’amélioration du taux d’emploi des 60 à 69 ans.
Photo d'archives
Si la pénurie de main-d’œuvre crée de nombreuses opportunités, seuls les mieux qualifiés pourront en bénéficier. Voici les « compétences du futur » qui seront recherchées par les employeurs :
- Connaissances en littératie et en numératie
- Savoir collaborer
- Pouvoir résoudre des problèmes
- Avoir du jugement
- Agir en citoyen éthique
- Faire preuve d’autonomie
- Être empathique
- Gérer des personnes
- Mettre en œuvre sa pensée créative
Source : La Commission des partenaires du marché du travail (CPMT)
Le secteur public craque de partout et Québec a bien l’intention de s’atteler à en colmater les brèches avant de tourner son attention vers les domaines les plus demandés du privé.
À COURT TERME
- Psychologues, travailleurs sociaux et tout ce qui gravite autour de la protection de la jeunesse et de la santé mentale
- Préposés aux bénéficiaires
- Éducatrices
- Infirmières
- Enseignants
*Pour y arriver, le ministre compte s’inspirer du programme de formation rémunérée en alternance travail-études qu’il a annoncé en avril dernier pour recruter, à terme, 2400 éducatrices.
À MOYEN ET LONG TERME
- Technologies de l’information
- Construction
- Génie
*Québec a l’intention de mieux faire connaître ses programmes de recrutement, dont les entreprises ignorent trop souvent l’existence
- 1,4 million d’emplois seront à pourvoir sur la période 2019-2028.
- 80 % de ces postes seront créés par des départs à la retraite, le reste par la création d’emplois.
- La proportion de la population active (les 15 à 64 ans) sera en diminution constante de 2021 à 2030
SELON QUÉBEC, CES POSTES SERONT COMBLÉS :
- 17 % par la hausse du taux d’activité des 15 à 64 ans
- 22 % par l’immigration
- 8 % par des personnes de 65 ans et plus
- 54 % de jeunes qui intègrent le marché du travail
Source : Institut de la statistique du Québec
Pénurie de main-d'oeuvre: la fin de «liberté 55» - TVA Nouvelles
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