Un avant-goût de normalité
Le centre-ville reprend vie et un vent d’optimisme est arrivé en même temps que la rentrée universitaire. Malgré la quatrième vague. Malgré le télétravail. Malgré les travaux. Non, la tourmente n’est pas terminée, mais des experts et des commerçants voient le bout du tunnel.
Comme Paul-André Goulet, 50 ans, qui possède plusieurs magasins Sports Experts, dont celui de la rue Sainte-Catherine Ouest.
« J’ai vécu toutes les transformations sur la rue, dit-il. Et évidemment, je suis au milieu du milieu de tout ce qui se passe actuellement avec mon magasin du centre-ville. Le REM, les travaux sans fin et sans âme, et la pandémie. C’est la tempête parfaite. Je vais être honnête, si je n’avais pas mes autres commerces – j’en ai 10 –, j’aurais vraiment trouvé le temps long. »
Mais signe que les choses vont mieux, le chiffre d’affaires de son magasin du centre-ville explose littéralement depuis le début d’octobre.
Comment expliquer un tel revirement ? « Il y a réellement un retour à la normalité, observe-t-il. Le télétravail est en train de lâcher. Moi, si j’avais des actions dans Zoom, je commencerais à les vendre. »
Le vent s’est mis à tourner avec le retour des étudiants sur les campus à la fin d’août, dit-il. Et sa force a augmenté au lendemain de l’allègement des règles sanitaires, il y a quelques semaines. « À un point où mon magasin du centre-ville dépasse mon magasin du DIX30 depuis deux semaines, ce que je n’avais pas vu depuis deux ans », lâche-t-il.
Le retour des travailleurs
Une étude fouillée sur l’état du centre-ville, produite par Montréal centre-ville et l’Institut du développement urbain du Québec, confirme que le taux d’occupation des bureaux augmente peu à peu, en mode hybride et à temps plein, et que l’exode annoncé n’a pas eu lieu. La proportion des travailleurs entièrement en télétravail est passée de 52 % en janvier à 47 % au début de septembre.
Ivanhoé Cambridge, bras immobilier de la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui possède une douzaine d’édifices au cœur de la métropole, voit « une augmentation réelle dans l’occupation générale des immeubles et commerces » cet automne. « Par exemple, les restaurants vont vraiment bien. Nous ne sommes pas au niveau d’avant la pandémie, mais les ventes et l’achalandage sont très encourageants », note la vice-présidente Annik Desmarteau, dans un courriel.
Les entreprises qui étaient au centre-ville sont en grande partie restées, et d’autres ont choisi de s’y installer. Mais une tendance se dessine : les superficies louées sont plus petites et les baux, de plus courte durée.
15 %
Proportion d’entreprises qui quittent le centre-ville
38 %
Proportion d’entreprises qui se déplacent vers le centre-ville
Source : L’état du centre-ville de Montréal
Plus de flexibilité
Cossette est un bon exemple. L’agence qui logeait dans un immeuble de la rue Drummond déménage chez WeWork, rue Sainte-Catherine Ouest, au coin de Peel, et réduit du même coup ses pieds carrés d’environ 40 %.
« La vraie raison, c’est qu’on se dirige vers un modèle hybride », explique Louis Duchesne, président Québec et Est canadien.
De plus, WeWork offre une formule flexible, des espaces de travail rénovés et un environnement stimulant. « Donc, une expérience qui va faire en sorte que les gens vont aimer revenir au bureau », espère M. Duchesne.
Pourquoi rester au centre-ville ? « Le quartier, à notre avis, va contribuer à l’expérience des employés avec ses commerces, ses théâtres, ses cinémas », répond-il.
Par ailleurs, très humblement, on croit à l’importance d’avoir un centre-ville qui a une belle effervescence, où il y a une vie culturelle, une vie économique, qui est solide et intéressante.
Louis Duchesne, président Québec et Est canadien de WeWork
Un quartier habité
Il faut se rappeler qu’à Montréal, contrairement à ce qu’on voit dans de nombreuses grandes villes nord-américaines, il n’y a pas que des tours de bureaux dans le centre-ville, il y a aussi beaucoup d’habitants.
« Il y a plus de résidants au centre-ville aujourd’hui qu’il n’y en a jamais eu. Ça, ça nous a sauvés », lance Glenn Castanheira, 35 ans, directeur général de Montréal centre-ville, société de développement commercial.
60 %
Augmentation des mises en chantier résidentielles entre 2019 et 2021
Ventes et reventes de condos
350 au deuxième trimestre de 2020
1075 au deuxième trimestre de 2021
Et ce n’est pas fini. Autre signe que les affaires reprennent, les ventes de condos neufs et les reventes connaissent un fort rebond depuis un an et les mises en chantier augmentent dans le secteur, selon l’étude sur l’état du centre-ville.
Et aux habitants s’ajoute une armée de 120 000 étudiants, notamment de McGill et de Concordia.
Étudiants en présentiel
12 739 à l’automne 2020
114 267 à l’automne 2021
Les étudiants sont de retour à 90 %. C’est énorme. Un étudiant ne dépense pas autant qu’un PDG, mais il soutient de petits commerces. Il y a aussi un principe de base : people attract people.
Glenn Castanheira, directeur général de Montréal centre-ville
Le soir, le centre-ville est animé. « C’est plein de gens », ajoute Paul-André Goulet, qui habite dans le quartier. « Je pourrais vous nommer 50 villes aux États-Unis où c’est complètement mort. »
Un centre-ville qui se transforme
L’attrait du centre-ville sera également renforcé par la série de grands projets qui en feront un milieu de vie, de travail ou de destination plus attrayant qu’avant.
« Le centre-ville va être plus fort qu’avant. À mon avis, la pandémie a accéléré sa transformation. Ce qu’on aurait vu dans les dix prochaines années, on va la voir dans les trois prochaines années », affirme le directeur général de Montréal centre-ville, qui reconnaît avoir hérité de « bons coups », en particulier le réaménagement du square Phillips, le projet de l’avenue McGill College et la construction d’un nouvel édifice de HEC Montréal à côté de la basilique Saint-Patrick.
Le chantier de la rue Sainte-Catherine tire à sa fin. L’escalier monumental de la Place Ville Marie, connectant l’hôtel Le Reine Elizabeth à l’Université McGill, est ouvert. Sans oublier le grand magasin Holt Renfrew, dont les travaux ont été parachevés en avril 2020. Et il y a la future station du Réseau express métropolitain (REM), dont la mise en service est prévue en 2023.
« Les gens ont hâte »
Andreas Vecchio, 40 ans, possède la Caffetteria, un café-bar italien qu’il a ouvert en pleine pandémie, rue Stanley.
« Beaucoup d’amis m’ont approché en me disant qu’il n’y a pas de cafés au centre-ville. J’ai compris qu’il manquait de cafés italiens dans le marché », explique-t-il.
Je crois au centre-ville parce qu’il y a de plus en plus de résidants. Depuis le 15 août, avec l’ouverture des universités, c’est un succès. Il manque encore les bureaux. Mais on survit très bien avec les résidants du quartier et un peu les hôtels.
Andreas Vecchio, propriétaire de la Caffetteria
Quelques rues plus loin, Sandra Ferreira, 32 ans, a pris le relais de son père à la direction générale du groupe Ferreira.
« On croyait que les midis allaient être difficiles parce que les gens ne sont pas au bureau. Mais ce qu’on remarque, c’est que même les gens qui ne travaillent pas au bureau se donnent des rendez-vous au restaurant », dit-elle, assise au bar du Ferreira, qui se remplit à vue d’œil en ce jeudi midi.
« L’achalandage de notre restaurant n’est pas représentatif de l’activité au centre-ville parce que c’est un point de rencontre, précise Sandra Ferreira. Mais c’est la preuve que les gens ont hâte de se retrouver. »
Tout n’est pas rose pour autant. Si le cœur du centre-ville recommence à battre, des commerces sont tombés au combat. Et d’autres mangent encore leur pain noir.
« La lumière se fait attendre, mais on voit bien qu’elle existe au bout du tunnel », résume Jean-Marc Fournier, PDG de l’Institut de développement urbain du Québec.
Le pari des différents partis
Que proposent les formations politiques de Montréal pour se porter au secours du centre-ville ?
Projet Montréal
Valérie Plante et son équipe promettent d’offrir le stationnement gratuit sur rue, en décembre, les soirs et les week-ends, pour attirer des clients durant le magasinage des Fêtes.
Ils s’engagent aussi à mieux encadrer et à accélérer les chantiers qui se multiplient au centre-ville, en permettant des travaux nuit et jour, sept jours sur sept, dans certains secteurs.
Une mesure que Paul-André Goulet, propriétaire de plusieurs Sports Experts, dont celui de la rue Sainte-Catherine Ouest, qualifie de « fausse promesse ». « Après 18 h, les prix des travaux vont doubler ou tripler, explique-t-il. Ça n’arrivera pas. C’est une fausse promesse. On n’aura pas les moyens, c’est impossible, financièrement, de se le permettre. »
Projet Montréal mise aussi sur la transformation de bureaux vacants en logements, sur la réalisation de parcs et sur l’aménagement de places publiques.
Ensemble Montréal
Ensemble Montréal et son chef Denis Coderre comptent étudier la mise en place de mesures fiscales pour aider les restaurateurs et les hôteliers.
Ils promettent de verser 10 millions aux Sociétés de développement commercial (SDC) et aux organismes communautaires du secteur pour les aider à améliorer la sécurité, la propreté et l’attractivité du centre-ville.
Du côté de l’habitation, ils s’engagent également à créer de 10 000 à 20 000 logements à la Cité-du-Havre, et à développer un projet sur le site de l’ancienne gare d’autocars de Montréal, incluant des logements pour les étudiants, des logements sociaux et des bureaux. Le parti veut aussi simplifier le processus de conversion des tours de bureaux vieillissantes en logements et en commerces, en débloquant une enveloppe de 40 millions.
Le plan de ce parti mise aussi sur l’embellissement des façades du centre-ville et une tarification universelle pour les grands stationnements souterrains.
Mouvement Montréal
Le parti de Balarama Holness, Mouvement Montréal, s’engage à créer « un centre d’affaires qui répondrait aux besoins des petites et moyennes entreprises, notamment en rationalisant le processus de demande de licences d’exploitation et de terrasse ».
Le centre-ville reprend vie | La Presse - La Presse
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