S’il souhaite atteindre son objectif climatique de « carboneutralité », le Québec devra non seulement réduire sa demande énergétique, mais aussi ajouter une capacité de production d’électricité équivalant à 17 complexes hydroélectriques comme celui de la rivière Romaine, conclut un rapport produit pour le gouvernement du Québec. La majorité de cette croissance pourrait provenir du secteur éolien, mais Hydro-Québec n’exclut pas la réalisation de nouveaux barrages.
Mandatée par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) pour produire un rapport détaillant les « trajectoires possibles » pour respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), la firme Dunsky Énergie + Climat en arrive à ce constat : le Québec devrait accroître sa capacité de production d’électricité de 65 % d’ici 2050 (par rapport à 2016).
Cette hausse très significative de la capacité, qui est évaluée à 137 térawattheures (TWh), équivaut à ajouter 17 complexes comme celui de la rivière Romaine, ou encore à multiplier par 12 la production annuelle actuelle de la filière éolienne. Un objectif ambitieux mais réaliste, puisqu’il se décline « sur un horizon de 30 ans », résume le président de la firme, Philippe Dunsky, en entrevue au Devoir. « L’ajout de parcs éoliens, de panneaux solaires ou de nouveaux barrages pourrait soulever des enjeux d’acceptabilité sociale », souligne néanmoins le rapport.
Dunsky Énergie + Climat insiste aussi sur le besoin de miser sur l’efficacité énergétique, afin de parvenir à la réduire la « demande totale » au cours des prochaines années, dans un contexte d’électrification accélérée des transports et des industries, mais aussi du chauffage des bâtiments.
Parvenir à cet objectif exigera d’ailleurs des transformations importantes de la société québécoise. « Augmenter la densité des villes, favoriser le transport en commun, se tourner vers le train pour le transport des marchandises, tout cela exigera un changement profond d’orientation en matière de transport et d’aménagement du territoire », souligne le rapport, qui a été salué par le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette.
Ces changements devraient toutefois être bénéfiques pour le développement des technologies et pour l’économie de la province, même si le secteur pétrolier et le secteur gazier devront inévitablement retrancher des emplois au cours des prochaines années. « Il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit de remplacer des énergies fossiles importées par une production énergétique locale, avec tout ce que cela implique comme retombées économiques au Québec comme effets positifs sur notre balance commerciale », fait valoir M. Dunsky.
Défi pour Hydro-Québec
Le porte-parole d’Hydro-Québec, Marc-Antoine Pouliot, reconnaît que la hausse de la production qui sera nécessaire au cours des prochaines années et décennies représente un défi. Il ajoute que la capacité de production « théorique » du Québec est « très grande » en matière d’hydroélectricité, mais aussi d’énergie solaire et éolienne, deux filières où les coûts de production ont chuté au cours des dernières années.
Est-il possible de générer une hausse de production de 65 % d’ici 2050 sans construire de nouveaux barrages ? « Nous n’avons pas de projet pour de nouvelles centrales hydroélectriques », affirme M. Pouliot, en précisant que, pour répondre à la demande de la prochaine décennie, Hydro-Québec compte lancer cette année deux appels d’offres, un en énergie solaire et un pour de « l’énergie renouvelable ». Deux parcs d’énergie solaire ont aussi été inaugurés cette année, afin d’évaluer le potentiel du Québec dans ce domaine.
La solution pour respecter les engagements face aux changements climatiques ne passe assurément pas par l’aménagement de toutes les rivières et de tous les ruisseaux du Québec
La Société d’État ne ferme toutefois pas la porte à de nouveaux projets hydroélectriques, même si la priorité est actuellement de terminer celui de la rivière Romaine. Cela pourrait permettre de produire une énergie dite « de base », qui serait « disponible en tout temps, notamment lors des pointes de consommation ». À titre d’exemple, le gouvernement Legault a mis de côté un projet d’aire protégée qui aurait permis de préserver 2600 km2 de territoire le long de la rivière Magpie, située sur la Côte-Nord, afin de protéger le potentiel hydroélectrique de cette rivière.
Titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau estime que la forte demande attendue pourrait être comblée par le développement de filière éolienne et de la filière solaire, en raison de la baisse des coûts. « Il y a un énorme potentiel de développement pour le solaire et l’éolien, qui sont plus simples et rapides à bâtir que des barrages », souligne-t-il. Selon lui, la priorité devrait toutefois être de « réduire la demande », et donc de lutter contre notre « surconsommation », ce qui permettrait de « limiter au maximum les besoins en nouvelles installations de production ».
Il y a un énorme potentiel de développement pour le solaire et l’éolien, qui sont plus simples et rapides à bâtir que des barrages
Même si Hydro-Québec affirme ne pas vouloir développer de nouveaux projets hydroélectriques pour le moment, le directeur général de la Société pour la nature et les parcs Québec, Alain Branchaud, et le président de la Fondation Rivières, Alain Saladzius, redoutent tout de même la mise en œuvre de tels projets. Ceux-ci pourraient bloquer des projets de protection du territoire, selon M. Branchaud. « La solution pour respecter les engagements face aux changements climatiques ne passe assurément pas par l’aménagement de toutes les rivières et de tous les ruisseaux du Québec », ajoute M. Saladzius.
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Le Québec doit produire 65% plus d'électricité pour atteindre ses objectifs climatiques - Le Devoir
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