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Sunday, July 4, 2021

Les accusations de profilage racial s'accumulent à Repentigny - Le Devoir

Les plaintes pour profilage racial adressées au corps de police de Repentigny s’accumulent, augmentant la pression sur la Ville, qui entend présenter un plan d’action cet été afin de s’attaquer à ce problème, qui a des « conséquences majeures » sur la qualité de vie des résidents de cette municipalité issus de la diversité.

Le Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR) a récemment obtenu une quatrième décision favorable de la part de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) pour des cas allégués de profilage racial qu’auraient subi des résidents de Repentigny de la part d’agents œuvrant pour la police municipale de cette ville de Lanaudière, qui compte un peu plus de 86 000 habitants.

La plus récente décision concerne Leslie Blot, qui demeure aujourd’hui à Terrebonne. Le 22 juillet 2017, il avait été interpellé devant son domicile au moment où il gonflait des jeux gonflables tout en étant assis sur le siège passager de la voiture d’une amie. Dans une vidéo d’environ trois minutes prise au moment de cette intervention, on peut voir deux agents de la paix demander à M. Blot de leur remettre une pièce d’identité, ce que celui-ci refuse de faire. L’homme est alors arrêté et menotté par les agents en plus de recevoir par la suite quatre constats d’infraction totalisant plus de 750 $.

« Ce n’était pas la première interception. La police de Repentigny m’interceptait peut-être une fois par mois, surtout quand je conduisais, raconte M. Blot, en entrevue au Devoir samedi. Mais cette fois-là, ce qui a fait déborder le vase, c’est que je n’étais pas en train de conduire le véhicule, j’étais en train de gonfler des jeux gonflables pour mes enfants alors que j’étais chez moi. C’était inacceptable. »

Après avoir réussi à faire annuler les constats d’infraction devant la Cour municipale de Repentigny, M. Blot s’est tourné vers la CDPDJ, qui a reconnu récemment dans une décision que la preuve selon laquelle l’homme a été victime de « profilage » est suffisante pour être soumise au Tribunal des droits de la personne.

« On n’a aucune confiance »

Afin d’éviter que ce dossier se rende en Cour, la CDPDJ propose à la Ville de Repentigny et à son corps de police de mettre en place plusieurs « mesures de redressement » d’ici au 16 juillet, indique la décision. Celles-ci comprennent un dédommagement financier de 38 400 $ pour M. Blot, mais aussi la création d’une politique contre le profilage racial et l’octroi d’une formation à ce sujet aux policiers, entre autres.

Or, des recommandations similaires ont été faites dans des cas précédents de profilage racial, en vain, déplore le CRARR. L’organisme juge donc inévitable que ce dossier se rende lui aussi devant les tribunaux dans les prochains mois.

« Le profilage racial, c’est non seulement discriminatoire pour ceux qui le subissent, mais c’est aussi très coûteux pour les résidents de Repentigny », laisse tomber le directeur général du CRARR, Fo Niemi, qui a accompagné au moins une quinzaine de résidents de cette municipalité dans les dernières années concernant des cas allégués de profilage racial par la police.

C’est notamment le cas de François Ducas, qui a lui aussi reçu une décision positive de la part de la CDPDJ en octobre dernier dans un cas allégué de profilage racial de la part du Service de police de la Ville de Repentigny (SPVR). Le 8 décembre 2017, l’enseignant a été intercepté par des policiers alors qu’il rentrait chez lui en voiture. Il a alors refusé de décliner son identité sans raison valable, ce qui lui a valu une arrestation et une contravention élevée. M. Ducas défend maintenant sa cause devant le Tribunal des droits de la personne.

On espère que la Ville va agir de manière proactive parce qu’on pense qu’il y aura d’autres décisions du Tribunal des droits de la personne qui vont tomber bientôt.

« On n’a aucune confiance dans cette police », laisse tomber le père de famille, qui dit craindre que ses enfants aient eux aussi des démêlés avec les forces de l’ordre en raison de la couleur de leur peau.

« Les conséquences sur la vie des citoyens [issus de la diversité], elles sont énormes », constate d’ailleurs Pierre-Richard Thomas, qui est responsable de Lakay Media, un organisme de Repentigny qui lutte contre le profilage racial.

Un plan d’action attendu

La Ville de Repentigny n’a pas voulu dire samedi si elle répondra positivement aux demandes de la CDPDJ dans le dossier de Leslie Blot. Depuis la mi-novembre, l’agence Uena, spécialisée en « gouvernance inclusive », œuvre cependant avec le corps de police dans le but d’améliorer ses pratiques. « Nous sommes déjà en transformation organisationnelle », assure la directrice des communications de la Ville, Marie-Christine Garon.

Un plan d’action, actuellement en élaboration, sera d’ailleurs présenté cet été. Il pourrait notamment comprendre les résultats d’une analyse des interpellations policières réalisées auprès des membres des minorités visibles par la police de Repentigny, selon nos informations. À Montréal, une telle démarche a permis de lever le voile sur les « biais systémiques » que subissent notamment les Noirs, les Autochtones et les Arabes de la part du SPVM.

Le profilage racial, c’est non seulement discriminatoire pour ceux qui le subissent, mais c’est aussi très coûteux pour les résidents de Repentigny

« On espère que la Ville va agir de manière proactive parce qu’on pense qu’il y aura d’autres décisions du Tribunal des droits de la personne qui vont tomber bientôt. Il ne faut pas que la Ville attende, il faut que la Ville agisse assez fermement », estime M. Niemi.

M. Thomas presse pour sa part le ministère de la Sécurité publique (MSP) de déclencher une enquête sur le SPVR pour « faire la lumière » sur les allégations de profilage racial qui le concerne.

« Toutes les questions qui sont reliées au profilage racial sont préoccupantes », a dit le directeur des communications du MSP, Alexandre Lahaie, sans toutefois commenter le cas précis du SPVR. En entrevue, il rappelle notamment que des projets pilotes sont en cours à la Sûreté du Québec pour tester l’usage des caméras portatives par les policiers. Le Comité consultatif sur la réalité policière a aussi formulé 138 recommandations le 25 mai dans le but de moderniser la Loi sur la police, de quoi guider Québec dans sa « réflexion » en cours, ajoute M. Lahaie.

À voir en vidéo

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