L'Institut québécois d'intelligence artificielle (Mila), avec la participation de l'Université McGill et de l'École de science informatique de l’Université de Carnegie Mellon, en Pennsylvanie, a conçu un algorithme capable de détecter les activités de traite de personnes et d’exploitation sexuelle en ligne.
Baptisé Infoshield, cet algorithme pourrait devenir l'outil technologique incontournable pour les corps policiers au Canada engagés dans la lutte contre l'exploitation sexuelle en ligne.
C'est l'une des premières au monde. Il y a très peu de gens qui ont mobilisé l'intelligence artificielle pour intervenir dans la chaîne du trafic de personnes
, lance Benjamin Prud'homme, directeur exécutif à l'Institut d'intelligence artificielle du Québec (Mila).
Infoshield serait plus performant que toute autre technologie actuellement utilisée par la police, en étant « capable d'analyser des millions d'informations » en ligne. Il est près de 1600 fois plus rapide que les outils actuels qui n'utilisent pas l'intelligence artificielle.
Comme l'image d'un radar pour l'aviation, l'algorithme serait capable de balayer l'information qui circule en temps réel dans l'univers du web et des réseaux sociaux, 24 h sur 24. Puis il serait en mesure d'en faire l'analyse en reliant des données entre elles.
Infoshield est assez complexe. Son fonctionnement nous permet de cibler rapidement du contenu, dans une masse d'informations, qui est relié à du trafic humain
, dit le directeur exécutif au Mila. Ça nous permet entre autres de déceler des personnes qui perpétuent ce type de contenu ou encore d'identifier des victimes potentielles.
Cette percée montréalaise en intelligence artificielle est une première mondiale pour lutter contre le trafic humain, nous affirme-t-on.
Elle serait plus que bienvenue puisque, sans grande surprise, le marché noir du trafic de personnes s'est déplacé sur Internet et les réseaux sociaux.
La publicité en ligne, parfois subtile, est considérée comme la principale façon de faire de la traite de personnes.
La majorité des victimes sont offertes par des annonces mises en ligne par leur exploiteur. Ce dernier peut contrôler généralement quatre à six victimes à la fois
, affirme la cheffe du projet de recherche, Reihaneh Rabbany.
Des résultats déjà concluants
Les premiers tests d'Infoshield sont prometteurs, selon le groupe de chercheurs associés au Mila.
Ainsi, l’algorithme Infoshield a réussi à repérer des annonces proposant du trafic de personnes avec une précision de 85 %. Ces résultats seraient meilleurs que ceux de tous les autres algorithmes de pointe en intelligence artificielle.
Les conclusions ont vite été encourageantes. J'ai voulu concentrer mes efforts sur le fonctionnement de l’algorithme et la façon dont on pouvait l'améliorer encore plus
, explique Reihaneh Rabbany.
Ce que nous faisons ici, c'est développer un nouvel algorithme encore plus complexe que tous ceux qui sont utilisés en ce moment. Nous développons de nouvelles méthodes pour faire l'analyse de données.
Un outil essentiel pour les policiers
Les concepteurs d'Infoshield ne croient aucunement qu'il viendra remplacer le travail des policiers, mais ils le voient plutôt comme un atout majeur dans leur lutte contre l'exploitation sexuelle.
Sans verser dans le techno-solutionnisme – parce que je ne veux pas donner l'impression que cet outil peut contrer à lui seul la traite de personnes – on pense que ce serait un outil extraordinairement utile pour la police
, explique Benjamin Prud'homme, directeur exécutif.
Outre les chercheurs en intelligence artificielle, plusieurs experts dans le domaine de la traite de personnes sont aussi appelés à contribuer aux travaux visant à développer Infoshield.
L'exploitation sexuelle, c'est une criminalité de marchés. Il y a des gens qui offrent quelque chose et des clients potentiels qui se retrouvent en ligne. Et d'avoir un outil comme celui-ci, ça va augmenter le succès d'une enquête policière. C'est une valeur ajoutée
, poursuit Francis Fortin, professeur en criminologie à l'Université de Montréal.
L'intelligence artificielle ne va pas, demain matin, aller arrêter des gens. Il doit y avoir quelqu'un qui doit voir ce que l'ordinateur lui dit. C'est une technologie qui maximise l'utilisation des ordinateurs.
Le groupe de chercheurs basé à Montréal espère donc obtenir du financement pour grossir son équipe en développeurs au cours des prochains mois. Il souhaite ensuite trouver des corps policiers au Canada comme partenaires afin qu'Infoshield devienne officiellement un outil pour lutter contre la traite de personnes et l'exploitation sexuelle.
Un algorithme de conception québécoise contre l'exploitation sexuelle en ligne - Radio-Canada.ca
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