CDPQ Infra a cité pour la première fois mercredi matin des inspirations visuelles pour son REM de l’Est, un métro aérien dont le passage prévu en plein cœur du centre-ville de Montréal soulève une immense controverse.
Pendant une séance de breffage technique, une porte-parole de cette filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec a donné les exemples de métros aériens récents ou en construction, dont ceux de La Haye, aux Pays-Bas, celui de Rennes ainsi que la ligne 8 du Grand Paris Express, tous deux en France.
CDPQ Infra a aussi fourni à La Presse des inspirations tirées de projets récents à Chicago, aux États-Unis.
Les projets cités par CDPQ Infra traversent des secteurs densément peuplés, comme ce sera le cas avec le REM de l’Est. Ce projet de 10 milliards de dollars doit traverser une partie du centre-ville, par le boulevard René-Lévesque, pour se rendre ensuite dans le nord et dans l’est de l’île de Montréal.
Craignant d’être associées à un projet qui risque de défigurer le centre-ville de Montréal pour des décennies, deux prestigieuses firmes d’architectes québécoises – Daoust Lestage Lizotte Stecker et STGM – se sont désistées du projet au cours des derniers mois, a révélé en février Le Journal de Montréal.
La firme d’architecture Lemay a pris le relais et sera responsable de concevoir le design du REM de l’Est, en collaboration avec un groupe d’une quinzaine d’experts de plusieurs disciplines. Jean-Paul Viguier, un spécialiste européen des structures de transport aériennes, siège notamment sur ce comité.
Ce groupe a tenu sa première rencontre le 21 mai dernier, et deux autres sont prévues au cours des prochaines semaines. Le comité se penchera sur « l’élaboration de toute la volumétrie, les matériaux, l’architecture et le design des structures aériennes », a expliqué Virginie Cousineau, directrice des affaires publiques chez CDPQ Infra.
Architecture « imposée »
La première phase du REM, un projet de 67 kilomètres qui relie la Rive-Sud de Montréal, l’Ouest-de-l’Île et l’aéroport Montréal-Trudeau au centre-ville, est présentement en construction accélérée. Le projet de plus de 6 milliards a été décrié par plusieurs pour son aspect massif, voire sa laideur, avec ses imposantes poutres de béton.
Virginie Cousineau fait valoir que la phase 1 du REM longe surtout des autoroutes et des friches industrielles. Il est impensable d’imaginer une telle structure pour le REM de l’Est, avance-t-elle.
« L’approche va être complètement différente », résume la porte-parole.
La principale différence par rapport à la phase 1 du REM, dit-elle, est que les « lignes directrices architecturales » seront « imposées » au moment des appels d’offres. « Il n’y aura pas de place à l’interprétation. »
Mme Cousineau reconnaît que les lignes architecturales de la première phase du REM « n’étaient pas prescriptives ». Elle réfute néanmoins l’idée que les citoyens habitant près de cette mégastructure aient été sacrifiés, entre autres dans les quartiers de Pointe-Saint-Charles et Griffintown. Des œuvres d’art seront installées pour enjoliver la structure de béton, a-t-elle indiqué.
René-Lévesque ou rien
De nombreux aspects du REM de l’Est seront appelés à évoluer avec la tenue d’audiences publiques et de consultations environnementales en 2021 et 2022. « La hauteur, la grandeur, les matériaux qui seront utilisés, rien n’a encore été décidé », a dit Virginie Cousineau.
Elle rappelle que plusieurs éléments de la première phase du REM ont été modifiés en cours de route, entre autres après les audiences du BAPE. Par exemple, des changements ont été faits pour protéger des milieux humides près du Technoparc.
Une chose est sûre cependant : c’est bel et bien sur le boulevard René-Lévesque que le métro aérien traversera le centre-ville. Sept scénarios ont été étudiés par la Caisse – incluant en sous-terrain –, mais aucune de ces options n’était viable, insiste Virginie Cousineau.
Architectes inquiets
Les esquisses non officielles du REM de l’Est qui ont circulé jusqu’ici ont soulevé l’inquiétude de nombreux citoyens, gens d’affaires, politiciens et membres de la communauté montréalaise des urbanistes et des architectes.
Le caricaturiste de La Presse, Serge Chapleau, a fait grand bruit en publiant ce week-end une esquisse où il plaquait grosso modo la structure existante du REM sur le boulevard René-Lévesque – un scénario exclu par CDPQ Infra, et qui n’est pas à l’échelle.
Virginie Cousineau indique que les premières esquisses officielles du REM de l’Est pourraient être présentées à la rentrée d’automne. CDPQ Infra vise un projet « signature » et bien intégré à son environnement.
La filiale de la Caisse a par ailleurs dévoilé mercredi son avis de projet, qui constitue une étape concrète supplémentaire dans l’avancement du projet de 32 kilomètres et 23 stations.
CDPQ Infra vise à commencer la construction du réseau en 2023. Le projet REM de l’Est a reçu un appui extrêmement enthousiaste du gouvernement caquiste de François Legault et devrait s’arrimer à une station de l’extension de la ligne bleue du métro de Montréal.
Réactions à Québec
Le débat entourant l’apparence du REM s’est déplacé à l’Assemblée nationale mercredi matin, où deux députés libéraux ont dénoncé vertement certains aspects du projet.
« Les résidents s’inquiètent que les trains aériens passent sur d’affreuses et gigantesques poutres de béton qui vont défigurer le centre-ville. Le boulevard René-Lévesque va changer à jamais et pas pour le mieux », a tonné Enrico Ciccone, porte-parole en matière de Transports.
Il a accusé la ministre déléguée aux Transports, Chantal Rouleau, d’avoir « peu de considération » pour la qualité de vie des citoyens, incluant aussi ceux de Rosemont et d’Anjou.
Mme Rouleau a rétorqué qu’il s’agissait du plus important projet d’investissement en transport collectif dans l’histoire du Québec. Elle a réitéré sa pleine confiance envers le comité d’experts qui chapeautera l’élaboration architecturale du REM.
« C’est un projet signature, c’est un projet qui va être, à travers le monde, reconnu comme un projet bien intégré, bien fait, avec une signature architecturale », a-t-elle lancé.
La ministre déléguée s’est défendue de faire un projet sans écouter les citoyens. Elle a rappelé qu’une série de consultations – incluant celles du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) – auront lieu en 2021 et 2022.
Rectificatif
Une version précédente de ce texte mentionnait le métro de Washington comme l’une des inspirations de CDPQ Infra. Or, il s’agit plutôt de la station Washington/Wabash du métro de Chicago.
REM de l'Est | La Haye, Rennes, Chicago : la Caisse donne des exemples visuels - La Presse
Read More
No comments:
Post a Comment