Deux entrepreneurs québécois qui figuraient parmi les prétendants aux actifs de Lithium Amérique du Nord entendent contester devant la Cour supérieure l’entente annoncée jeudi entre Investissement Québec (IQ), Sayona Québec et son partenaire Piedmont.
Par la plume de leur avocat, Pierre Gauthier, PDG de Central America Nickel, et Benoit La Salle, président du conseil de SRG Mining, se sont adressés au premier ministre François Legault et au ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon.
« Tout le processus fut entaché d’irrégularités sérieuses et la décision prise par IQ/Contrôleur [RCGT] va à l’encontre des intérêts premiers des Québécois, écrit Me Jacques Bouchard, du cabinet Gattuso Bourget Mazzone. Votre intervention, afin de relancer le processus sur des bases respectueuses des règles, est donc souhaitée. »
Située à La Corne, à 40 kilomètres d’Amos, la mine de Lithium Amérique du Nord a une capacité de 180 000 tonnes de concentrés de lithium ou spodumène. Ce qu’on appelle la première transformation du lithium.
Dans une seconde transformation, le spodumène devient soit du carbonate de lithium, soit de l’hydroxyde de lithium, plus compliqué à faire, mais plus performant. Les deux produits servent d’intrants dans les batteries de véhicules électriques, mais l’hydroxyde sert aux batteries de meilleure qualité, utilisées par Tesla, par exemple.
En exploitation de 2012 à 2014 puis de 2016 à 2019, la mine abitibienne a souffert dans le passé de la faiblesse du prix du concentré de spodumène de lithium. La société, alors à propriété chinoise, s’est ainsi placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies en 2019. IQ était l’un des créanciers garantis de Lithium Amérique du Nord. Le contrôleur est Raymond Chabot Grant Thornton.
« La clé passe par la seconde transformation du lithium », dit le maire de La Corne, Éric Comeau, au téléphone. La mine a déjà employé 200 personnes.
La Presse a joint le PDG de Central America Nickel, qui a des projets de nickel au Guatemala. Selon ce que dit Pierre Gauthier, le processus a attiré six soumissionnaires. Il en restait deux à la fin, Sayona et lui.
M. Gauthier se plaint qu’IQ ait préféré l’offre de 60 millions de dollars de Sayona, moins généreuse que la sienne, à 169 millions.
« On proposait un projet avec trois sources de revenus : transformation du spodumène, mais aussi du sulfate de nickel et le traitement de terres rares présentes dans le dépôt de lithium », décrit M. Gauthier. Il était appuyé par Prem Watsa de Fairfax.
Transformation aux États-Unis
M. La Salle et lui critiquent le fait que la transformation du concentré de lithium se fera aux États-Unis alors qu’eux-mêmes proposaient de faire la transformation au Québec. Piedmont, partenaire de Sayona, a un projet d’usine de fabrication de 22 700 tonnes par année d’hydroxyde de lithium en Caroline du Nord.
Le projet de SRG Mining de Benoit La Salle consistait d’ailleurs à investir en plus du prix d’achat environ 250 millions pour produire de l’hydroxyde de lithium sur le site. Jugée trop basse, son offre a été rejetée.
C’est un non-sens de laisser aller les actifs à des étrangers quand on a l’expertise au Québec. Le gouvernement doit défendre l’exportation de spodumène et forcer l’usine de transformation en hydroxyde de lithium.
Benoit La Salle, président du conseil de SRG Mining
Le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon rétorque que l’entente oblige Sayona à produire de l’hydroxyde de lithium au Québec dans un délai de cinq ans, sinon une pénalité s’appliquera.
« Je suis très favorable à l’offre de Sayona », a-t-il assuré dans un entretien en fin de journée jeudi. Il souligne la synergie avec le projet de lithium de ce dernier à La Motte, à 60 kilomètres de La Corne, si l’exploitant obtient ses permis environnementaux. « Il y aura un concentrateur pour faire du spodumène [pour deux mines] », a-t-il dit.
Le ministre souligne aussi l’importance du partenaire américain Piedmont, proche des équipementiers automobiles. « On aime les partenaires américains. Avec le Buy American, il faut faire très attention », a-t-il souligné.
Dans leur plainte, MM. Gauthier et La Salle dénoncent par ailleurs le fait que le cabinet d’avocats McCarthy représentait à la fois IQ et Sayona. « Nous sommes deux entreprises québécoises qui ont fait des démarches pendant un an et nous sommes arrivés à la même conclusion, qu’il y a eu un manque d’éthique et de transparence totale dans les procédures qui ont permis à Sayona de gagner. »
M. Gauthier entend faire valoir ses arguments devant le juge de la Cour supérieure qui doit autoriser l’entente. « On prépare l’injonction », précise M. La Salle.
Qui sont les repreneurs ?
Sayona Québec, filiale de Sayona Mining, société junior d’Australie, a vu le jour en 2016, à la suite de l’acquisition du projet Authier Lithium, à La Motte. Piedmont Lithium, propriété de la société cotée au NASDAQ Piedmont Lithium Limited, a un projet en Caroline du Nord visant la production de concentré de spodumène et la fabrication d’hydroxyde de lithium. Piedmont Lithium détient 40 % dans Sayona Québec.
Lithium Amérique du Nord | Des prétendants critiquent l'entente - La Presse
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