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Monday, November 27, 2023

Sept fois moins de départs d’autocars privés interurbains chaque semaine qu’il y a 40 ans dans les régions du Québec - Le Devoir

Une révision du modèle de financement du transport interurbain au Québec s’impose, constatent des chercheurs de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) après avoir documenté la chute continue dans les dernières décennies des départs offerts par des autocars privés pour assurer des liaisons entre les différentes régions du Québec. 

Dans une note de recherche publiée lundi, que Le Devoir a pu consulter sous embargo, deux chercheurs de l’IRIS ont compilé les résultats de trois études menées entre 1981 et 2016 pour détailler la diminution du nombre de départs hebdomadaires offerts par les transporteurs interurbains au Québec. Ils ont ensuite mis à jour ces informations en agrégeant « à la mitaine » des données publiques de la Commission des transports du Québec, explique le coauteur Colin Pratte.

Résultat : le nombre de départs hebdomadaires d’autocars interurbains privés s’élève aujourd’hui à 882, soit près de sept fois moins qu’en 1981, alors que 6000 départs étaient offerts par semaine. Ce sont ainsi de nombreux trajets en autobus qui desservaient autrefois des régions en manque de solutions de rechange durables à la voiture qui ont été abolis ou qui ont vu leur fréquence être grandement limitée au fil des années. L’analyse de l’IRIS montre d’ailleurs que, dans les six dernières années uniquement, les départs offerts au Québec ont diminué de 33 %. 

« Ce déclin-là, ça démontre qu’on ne peut pas continuer avec le statu quo. On se condamne autrement à avoir des services de moins en moins bons. C’est certain qu’il faut passer à autre chose » et revoir l’encadrement du transport interurbain, constate ainsi le président de l’Association des transports collectifs ruraux du Québec, André Lavoie. 

Des défis financiers

Dans les dernières décennies, le gouvernement du Québec s’est refusé à subventionner le transport interurbain, assuré essentiellement par des entreprises privées, se contentant de réglementer l’octroi de permis pour limiter la concurrence sur ce marché. Les transporteurs qui assurent des trajets entre les différentes agglomérations de la province dépendent ainsi essentiellement des revenus tirés de la vente de billets pour assurer leur rentabilité. 

Or, face à des défis financiers, les transporteurs interurbains ont diminué au fil des années leur offre de service sur de nombreux trajets moins rentables en plus d’augmenter leurs tarifs, ce qui n’a fait que diminuer l’achalandage et par conséquent alourdir les déficits de ces entreprises. La pandémie a ensuite incité le gouvernement à débloquer une aide exceptionnelle de 24 millions de dollars entre 2020 et 2022 pour soutenir les transporteurs interurbains dans le contexte de la crise sanitaire. Cette aide était toutefois non récurrente. Ainsi, le 31 mars dernier, une liaison qui existait depuis plus de 30 ans entre Saint-Georges, en Beauce, et la ville de Québec, a été abolie par l’entreprise Autobus Breton, déficitaire. 

La popularité de l’automobile n’a pour sa part cessé de croître au détriment du transport interurbain, dont l’empreinte écologique est nettement moindre, relèvent les deux chercheurs derrière cette note de recherche de l’IRIS. « La popularité de l’automobile se traduit par une diminution du recours du transport interurbain par autocars, qui baisse son offre, ce qui augmente davantage la dépendance à la voiture pour répondre aux besoins de mobilité. C’est un cercle vicieux », résume Colin Pratte. 

Un service public

Le modèle québécois en matière de transport interurbain représente d’ailleurs « l’exception » plutôt que la norme par rapport à d’autres provinces canadiennes ainsi que la plupart des États américains, où les entreprises qui assurent ces déplacements bénéficient d’un financement récurrent pour assurer le maintien de leurs activités, relève l’analyse de l’IRIS. Ainsi, dans plusieurs États américains, les trajets vers des secteurs peu densément peuplés que des transporteurs privés peinent à rentabiliser sont maintenus année après année par le biais d’un financement public récurrent, expliquent les chercheurs.  

Ces derniers en déduisent ainsi que le gouvernement Legault doit revoir sa manière d’encadrer le transport interurbain au Québec afin de considérer celui-ci comme un service essentiel dont il planifie l’offre à l’échelle de la province et dans lequel il injecte des fonds publics de façon récurrente. André Lavoie estime en ce sens que le gouvernement du Québec devrait créer une autorité provinciale responsable de planifier et d’encadrer le financement du transport interurbain au Québec, comme c’est déjà le cas pour le transport en commun dans la grande région de Montréal. 

« Le désengagement de l’État dans le financement de l’autocar n’est plus viable », conclut pour sa part M. Pratte. 

À voir en vidéo

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