Les garagistes seront mieux outillés pour déceler ce qui cloche lorsque le témoin d’anomalie de votre véhicule s’allume. Ils ne pourront plus se faire mettre des bâtons dans les roues par les constructeurs automobiles afin d’avoir accès aux données permettant de réaliser le diagnostic.
Ce qu’il faut savoir :
- Une loi contre l’obsolescence programmée a été sanctionnée au Québec au début du mois d’octobre.
- Certaines de ses dispositions concernent l’industrie automobile.
- La loi obligera les constructeurs à transmettre toutes les données de diagnostic au marché secondaire.
« Il s’agit de la plus importante percée depuis les 50 dernières années, lance sans détour George Iny, président de l’Association pour la protection des automobilistes (APA). On n’en revient pas. »
Ce qui change la donne pour les ateliers de réparation ? L’adoption, le 3 octobre dernier, du projet de loi 29 destiné à protéger les consommateurs contre l’obsolescence programmée.
Parallèlement à tout ce qui concerne les électroménagers et la durée de fonctionnement des produits, la pièce législative met au pas les géants de l’automobile : ils doivent maintenant consentir à transmettre les données de diagnostic permettant à un automobiliste de faire réparer son véhicule là où il le souhaite. Le Québec est la première province à agir de la sorte.
La Presse a déjà rapporté que des tâches en apparence simple, comme changer la poignée d’une portière ou remplacer un contacteur de démarrage, se complexifient de plus en plus pour les centres de service indépendants. De plus en plus, des consommateurs sont redirigés vers le concessionnaire – où la facture est souvent plus élevée – en raison des limites de certains outils traditionnellement utilisés dans les ateliers pour effectuer les diagnostics.
« Pour certains modèles Audi, on ne fait pas le changement d’huile parce qu’on ne peut pas reprogrammer [faire le reset], affirme Jay Zinniger, gérant de Pneus Talon. Il y a des choses que l’on ne peut pas faire pour certains clients. »
Équipées de systèmes de navigation, de reconnaissance vocale et d’autres outils de détection, les voitures récentes sont de véritables ordinateurs sur quatre roues. Elles transmettent une quantité grandissante de données, comme les conditions du véhicule, la consommation de carburant et le nombre d’heures du fonctionnement du moteur, directement aux constructeurs automobiles.
Pour des groupes comme l’Association des industries de l’automobile du Canada (AIA), qui représente les ateliers de réparation et d’entretien, il est de plus en plus difficile et coûteux d’avoir accès à ces données, ce qui limite le champ d’action de ses membres.
Pas tout de suite
La Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens changera les règles du jeu. Il y a cependant un hic : ses dispositions concernant les données de diagnostic entreront en vigueur le 5 octobre 2025 en principe et le règlement entourant l’application doit être rédigé.
« Nous ne sommes pas encore arrivés, résume le président de l’AIA, Jean-François Champagne. Ce n’est que le début. Mais cela reste une étape importante. La loi envoie un signal que les façons de faire devront changer. »
À qui doivent être transmises les données ? De quelles façons seront-elles transmises ? Quel sera le format ? Pour l’instant, il s’agit de questions dont les réponses demeurent inconnues.
Pour Vincent de l’ Étoile, avocat chez Langlois, il y a encore « beaucoup de points en suspens » à ce stade-ci. Québec a du pain sur la planche pour que les règles du jeu soient claires, estime-t-il.
« Est-ce qu’on veut que les données soient lisibles par quiconque branche un ordinateur dans le port [de diagnostic] du véhicule ? explique l’avocat. Devra-t-on s’assurer que l’on passe par un logiciel certifié ? Il y a beaucoup de zones à risque qui pourraient permettre à n’importe qui de réparer n’importe quoi. »
C’est l’Office de la protection du consommateur (OPC) qui est responsable de la rédaction des règlements qui découlent de l’adoption du projet de loi 29. Son porte-parole, Charles Tanguay, n’a pas commenté précisément le cas des réparations d’automobiles. Dans un courriel, il affirme que pour « certains éléments » d’un règlement, « il peut y avoir des consultations d’experts ou de parties prenantes ».
De la résistance
Sans surprise, la loi québécoise ne fait pas l’unanimité dans l’industrie automobile. L’Association canadienne des constructeurs de véhicules (ACCV), qui regroupe Ford, General Motors et FCA Canada, estime que Québec jette un pavé dans la mare alors que des mécanismes sont en place.
« En réalité, les consommateurs n’en tireront aucun bénéfice, affirme son chef de la direction, Brian Kingston. Il y a déjà une entente en vigueur et chaque constructeur exige des frais pour accéder aux données. C’est aux ateliers de faire leurs choix. »
C’est également la position de la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ). Au moment d’écrire ces lignes, les Constructeurs mondiaux d’automobiles du Canada, le regroupement qui représente des marques comme Honda, Toyota, Hyundai et BMW, n’avait pas répondu aux questions de La Presse.
L’accord évoqué par M. Kingston a été conclu en 2009 entre les constructeurs ainsi que le marché secondaire et repose sur la transmission volontaire des informations. Les ateliers pouvaient y avoir accès par l’entremise du port de diagnostic (OBD2). On ne le retrouve pas dans toutes les voitures électriques. Jusqu’à tout récemment, Tesla ne faisait pas partie de cette entente.
De plus, le marché secondaire affirme que la technologie sans fil permet aux véhicules connectés de transmettre une quantité grandissante de données directement aux constructeurs. Cette problématique n’a pas été réglée.
« Cet accord [de 2009] est un engagement volontaire, réplique M. Iny. Il n’y a aucun moyen contraignant. C’est de la poudre aux yeux. »
Le président de l’APA rejette également les inquiétudes soulevées par l’industrie automobile en ce qui a trait aux enjeux de protection des données. Selon M. Iny, ce sont aux constructeurs de mettre des « balises ». Le réseau des ateliers de réparation est déjà en place et le modèle fonctionne, plaide-t-il.
Pour l’APA, il ne s’agit pas de nouveaux acteurs inconnus qui voudront avoir accès aux données des véhicules, mais d’ateliers certifiés.
Qu’est-ce qu’un citron automobile ?
Trois tentatives infructueuses de réparation pour le même problème, 12 essais pour des pépins non liés entre eux… Si vous pensez être sorti du concessionnaire avec un citron, la loi québécoise peut vous éclairer. Elle définit les modalités des « voitures défectueuses ». Il s’agit d’outils si un consommateur est contraint de se tourner vers les tribunaux pour demander l’annulation du contrat ou une diminution du prix payé. « On se demande ce que l’on fait là, affirme le président-directeur de la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec, Ian Sam Yue Chi. Les véhicules n’ont jamais été aussi bien construits qu’aujourd’hui et il y a déjà un écosystème de réparation chez les concessionnaires et le marché secondaire. »
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- Le Québec est le deuxième acteur au Canada du secteur de l’entretien et de la réparation automobiles.
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- Environ trois automobilistes sur quatre font affaire avec des ateliers indépendants pour entretenir et réparer leur véhicule.
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Loi québécoise contre l'obsolescence programmée | « La plus importante percée depuis les 50 dernières années » | La Presse - La Presse
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