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Monday, September 18, 2023

« La bonne élève » | Le nom d'une bière lancée par l'UQAM laisse un goût amer - La Presse

Après la Chipie et la Désirée de la microbrasserie Archibald, voilà que la bière La bonne élève est mise sur le marché. Sa particularité ? Elle est frappée du logo de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), qui a trouvé le nom de cette bière blanche sans alcool au parfum de framboise. Un choix de « très mauvais goût », juge la directrice de l’Institut de recherches et d’études féministes de l’UQAM.

Vendue depuis le début de la session universitaire, cette bière sans alcool « 100 % uqamienne » est le fruit d’un partenariat entre l’UQAM et la microbrasserie Saint-Houblon.

« Pour étancher la soif de façon responsable », lit-on sur la canette de La bonne élève, une bière à 0,5 % d’alcool vendue à la cafétéria du pavillon Hubert-Aquin de l’UQAM, mais aussi dans les succursales de la microbrasserie.

Thérèse St-Gelais, directrice de l’Institut de recherches et d’études féministes de l’UQAM, dit qu’elle n’aurait jamais choisi ce nom si on l’avait consultée.

C’est très chargé comme appellation. On a profité du fait que c’est une bière, donc au féminin : on ne pouvait pas l’appeler ‟le bon élève”. Mais je trouve que c’est de très mauvais goût.

Thérèse St-Gelais, professeure et directrice de l’Institut de recherches et d’études féministes de l’UQAM

Le nom ramène « à toute une histoire de bonne tenue féminine » où les femmes, préférablement, ne boivent pas trop, poursuit-elle.

« Les filles prennent de l’alcool, et pourquoi pas ? On laisse croire que de ne pas en prendre fait de toi une bonne élève », poursuit Thérèse St-Gelais.

Chantal Maillé, professeure à l’Institut Simone de Beauvoir de l’Université Concordia, y voit un « biais extrêmement sexiste ».

« Ça suggère que les filles qui boivent de la bière avec alcool dans les bars étudiants ne répondent pas à cette image de la bonne élève. Quel est l’opposé de la bonne élève ? C’est la bad girl, la fille qui cherche le trouble », dit Mme Maillé.

Un « manque de réflexion »

Ce n’est pas la première fois que les noms de bières font des remous. En 2019, la microbrasserie Archibald – propriété de Labatt – avait été critiquée pour ses Matante, Chipie et Désirée, entre autres, mais aussi pour les images ornant ses canettes, composées en majorité d’images de jeunes femmes blanches.

« Pour être rousse et voir que cette bière est la Chipie, je trouve ça extrêmement déplacé. Il est vrai que c’est dans l’historique de ces produits-là de catégoriser un peu grossièrement les variétés de bière », dit Mme St-Gelais.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Canette de bière de marque Chipie, brassée par Archibald

Archibald en a remis à l’été 2021, en utilisant le slogan « Les vendredis, tape-toi une grosse de 17 h à 21 h » pour mousser ses canettes de grand format.

Il y a dix ans, c’est la microbrasserie Le Corsaire de Lévis qui avait suscité un tollé avec une bière appelée La petite pute et décrite comme une « blonde facile ».

À l’Université du Québec à Montréal, on explique que le nom de la bière a été choisi « à la suite d’un brainstorming au sein du Service des communications ».

« La microbrasserie a pris sous sa responsabilité tout le volet recherche et développement, incluant les coûts qui y sont associés, et le Service des communications a développé l’identité visuelle de la canette », écrit Joanie Doucet, conseillère en communication à l’UQAM.

La Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur « visait à identifier tous les comportements problématiques, et même au deuxième degré », rappelle Chantal Maillé.

« Il y a un manque de réflexion et de discernement par rapport à un nom pareil, La bonne élève », dit Mme Maillé. Que cette bière soit en plus frappée du logo de l’UQAM est « problématique », car les universités ont « l’obligation d’être exemplaires », ajoute la professeure de l’Université Concordia.

À l’UQAM, la directrice de l’Institut de recherches et d’études féministes se dit déçue de l’université et estime que l’institution a manqué l’occasion de montrer « une ouverture non genrée ».

« Mais ce n’est pas nous qui sommes consultées au départ », conclut Thérèse St-Gelais.

Du marketing avant tout

Lui aussi professeur à l’UQAM, Benoit Duguay voit dans cette bière une simple technique de marketing.

« Il faut voir ça comme une action promotionnelle. On lance un breuvage non alcoolisé, on ne se fera pas accuser de vouloir que nos étudiants se soûlent », dit le professeur titulaire à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.

Quant au choix du nom, « il est assez avisé », dit M. Duguay.

« Il va y avoir moins de problèmes en mettant le nom au féminin qu’au masculin. On aurait pu se faire accuser de toutes sortes de choses si on l’avait mis au masculin », dit le professeur, qui ajoute que « bonne élève », c’est mieux que « la matante ».

« Ça aurait fait encore plus de remous : que faites-vous des femmes, vous les avez oubliées ? », illustre le professeur. « Tu ne peux jamais contenter tout le monde », ajoute Benoit Duguay.

Une campagne promotionnelle vise toujours une clientèle précise et l’UQAM, avance-t-il, veut peut-être par cette bière cibler davantage les femmes.

« Ce n’est pas impossible qu’on cible délibérément les jeunes femmes ici, d’où le choix du féminin », avance-t-il.

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