(New York) Juin 2022 : Jerry Hall, quatrième femme de Rupert Murdoch et ancienne conjointe de Mick Jagger, reçoit un courriel de son mari nonagénaire dans lequel ce dernier la surprend en lui annonçant que « malheureusement, [il a] décidé de mettre fin à [leur] mariage ». « Nous avons eu de bons moments, mais j’ai beaucoup à faire », ajoute-t-il.
Août 2022 : dans le cadre d’un règlement de divorce, l’ex-mannequin âgée de 66 ans hérite d’un vaste domaine en Angleterre. En retour, elle doit prendre un engagement inusité : ne fournir aux créateurs de la série de HBO Succession aucune idée pour enrichir leur scénario. La comédie noire, dont la quatrième et dernière saison connaît un vif succès, raconte l’histoire de la famille dysfonctionnelle du magnat des médias Logan Roy, personnage fictif inspiré en bonne partie du propriétaire sans scrupules de Fox News, du Wall Street Journal et du New York Post, entre autres.
Le journaliste Gabriel Sherman révèle ces détails dans le numéro courant du magazine Vanity Fair, où il signe un article fourmillant de scoops sur un sujet qu’il connaît à fond : l’empire de Rupert Murdoch, qui s’étend sur trois continents et influence la vie politique d’au moins trois pays – les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie.
Une des sources de Sherman lui a montré une capture d’écran du courriel de Rupert Murdoch à Jerry Hall. La même source, ou une autre, lui a refilé l’anecdote concernant Succession.
La paranoïa de Murdoch se comprend. Selon une rumeur que Sherman confirme, James Murdoch, l’un des deux fils du patriarche âgé de 92 ans, a suggéré des dialogues et des scènes aux créateurs de la série de HBO.
Autrement dit, les Murdoch sont aussi tordus que les Logan, sinon plus. Et la succession de Rupert suscite autant les convoitises que celle de Roy. À la clé : l’avenir de Fox News, dont les mensonges sur l’élection présidentielle de 2020 viennent de forcer Fox Corporation, société mère de la chaîne d’information conservatrice, à négocier un règlement de 787,5 millions de dollars avec le fabricant de machines à voter Dominion Voting Systems.
Les aspirants à la succession de Rupert Murdoch sont tous issus de son deuxième lit : Elisabeth, 54 ans, Lachlan, 51 ans, et James, 50 ans. Leur père les a montés les uns contre les autres toute leur vie, pour savoir qui en sortirait le plus fort.
Résultat : Lachlan et James ne se parlent plus. La politique explique en partie leurs différends. Conservateur, Lachlan compte l’animateur de Fox News Tucker Carlson parmi ses amis. Progressiste, James déteste Fox News à s’en confesser. Mais l’aîné en veut surtout au cadet d’avoir convaincu leur père de vendre la 21st Century Fox, joyau de l’empire, à Disney pour 71,3 milliards de dollars en 2017.
Fils préféré de Rupert, Lachlan voyait ainsi l’empire sur lequel il rêvait de régner amputé d’un de ses morceaux les plus glamoureux. Il est aujourd’hui coprésident de News Corporation et directeur général de Fox Corporation.
James, lui, ne joue plus aucun rôle actif au sein de l’empire familial depuis sa démission du conseil d’administration de News Corporation, le 31 juillet 2020. Il avait alors attribué son départ à « des désaccords quant à certains contenus éditoriaux publiés par les titres du groupe ainsi que d’autres décisions stratégiques ».
Aujourd’hui à la tête du fonds d’investissement Lupa Systems, James réserve un mépris particulier à Fox News, dont il a critiqué la promotion du négationnisme climatique, du nationalisme blanc et du complotisme électoral, lequel représente à ses yeux une menace pour la démocratie américaine.
Aussi la succession de Rupert Murdoch par son fils James entraînerait-elle des changements majeurs pour Fox News, selon Gabriel Sherman.
« Certains pensent que James purgerait Fox News et transformerait la chaîne en une alternative de centre droit à CNN », écrit le journaliste dans Vanity Fair. « D’autres pensent que James opterait pour la vente de Fox News à une société de capital-investissement, simplement pour se débarrasser d’un actif toxique. Au sein de la chaîne, il existe une peur viscérale de ce que signifierait un avenir dirigé par James. ‟James considère la destruction de Fox News comme sa mission dans la vie”, m’a confié un haut responsable de la chaîne. »
Entre les deux frères, il y a Elisabeth, qui a quitté l’empire familial à l’aube des années 2000 après avoir compris que son statut de femme limitait ses perspectives au sein du groupe. Elle est aujourd’hui à la tête d’une florissante société de production. N’en déplaise à son père misogyne, elle aurait l’expérience et la compétence requises pour lui succéder.
Mais, selon Gabriel Sherman, James Murdoch rêverait de se hisser à la tête de l’empire en formant une alliance avec Elisabeth, qui partage la plupart de ses opinions progressistes, et une autre sœur, Prudence. Née du premier mariage de Rupert, cette dernière est restée à l’écart de l’entreprise familiale après avoir travaillé brièvement pour News of the World, un des journaux de son père.
Comme les autres enfants du deuxième lit de Murdoch, Prudence dispose d’une voix au sein du holding familial. Voix qui pourrait être déterminante dans la succession de Rupert Murdoch (les deux enfants du patriarche avec Wendi Deng, sa troisième femme, n’auront pas voix au chapitre).
En attendant, certaines personnes proches de Rupert Murdoch se demandent si tout va bien dans sa tête. Elles s’inquiètent notamment de ses fiançailles récentes avec Ann Lesley Smith, ex-animatrice de radio conservatrice.
Fiançailles que Murdoch a rompues moins de trois semaines plus tard. Selon Gabriel Sherman, Smith aurait commencé à mettre franchement mal à l’aise son futur époux avec la ferveur de sa foi évangélique et sa conviction que Tucker Carlson est un « messager de Dieu ».
Avril 2023 : Jerry Hall n’en revient pas, de même que les créateurs de Succession.
Décryptage | La succession de Rupert Murdoch | La Presse - La Presse
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