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Tuesday, December 27, 2022

Crise inflationniste: en 2022, il a fallu faire plus avec chaque dollar - Le Journal de Montréal

Pas de doute, l’inflation est le sujet économique no 1 au Québec en 2022. Même s’il est un peu technique, le mot s’est imposé dans la langue de tous les jours aussi rapidement que les prix ont monté à l’épicerie.

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Inflation est d’ailleurs le mot de l’année pour le Centre de recherche interuniversitaire sur le français en usage au Québec (CRIFUQ).  

«Nous l’avons toutes et tous intégré à notre vocabulaire», écrit le CRIFUQ, qui note qu’en «temps normal», il est réservé aux économistes, comptables et autres experts.

Les journalistes ne font pas exception. Le mot a été l’un des plus utilisés dans les médias québécois en 2022. 

«Plus on en parle, plus ça devient important», avertit Jean-François Dumas, président d’Influence Communication.

Il calcule que le mot s’est retrouvé à la télé, à la radio, dans les journaux et sur le web (sans les réseaux sociaux) presque 8 fois plus en 2022 que l’an passé.

«C’est gigantesque comme couverture», indique cet observateur de longue date des médias québécois. 

L’inflation est d’abord un mot-clé et non un sujet. On peut le retrouver dans un article ou un reportage qui n’a rien à voir avec l’inflation.

Reste que dans l’ensemble, les journalistes québécois l’ont mentionné deux fois plus que Vladimir Poutine en 2022. 

«Il y a quand même une guerre entre la Russie et l’Ukraine», lance l’expert en tentant de relativiser. 

Sur la base des 48 derniers mois, 81 % des mentions de l’inflation dans les médias ont eu lieu en 2022. 

On s’appauvrit

Le phénomène a-t-il été exagéré par les médias ou les journalistes n’ont-ils fait que leur travail de rendre compte de la réalité?

C’est l’œuf ou la poule, le débat est ouvert. Ce qu’on sait, c’est que personne ne prédisait une telle hausse du coût de la vie en janvier dernier. 

«On ne peut pas juste blâmer la Russie, même si son invasion de l’Ukraine a fait grimper le prix de l’énergie et des aliments dès le début de l’année», concède Doug Porter, économiste en chef de BMO Groupe financier.

Avec son équipe, ils prédisaient une inflation de tout au plus 3,5 % au Canada en 2022, ce qui est déjà pas mal. 

Elle va finir l’année à 7 %, écho au début des années 1980. 

On s’attendait aussi, à la BMO comme ailleurs, à ce que les taux d’intérêt augmentent modérément et que le taux directeur passe de 0,25 % à 1,25 %. 

Il est présentement à 4,25 % après 7 hausses consécutives, ce que savent déjà trop bien les Québécois qui ont des paiements hypothécaires. 

Doug Porter, économiste en chef de BMO.

Photo tirée du site web de BMO

Doug Porter, économiste en chef de BMO.

Impact de la folie immobilière

Tout le monde a sous-estimé l’impact de la folie immobilière de 2021 et du début de 2022 sur l’inflation, reconnaît le prévisionniste émérite.

«Le prix des maisons a explosé, merci à la spéculation et aux taux d’intérêt extrêmement bas, et on ne peut pas blâmer la Russie ou la chaîne d’approvisionnement pour ça», dit-il.

Bref, le Canada était mûr pour une bonne dose d’inflation, guerre ou pas, ce que personne ou presque n’avait vu venir. 

De gros profits

«Faut savoir qu’on peut se tromper sur toute la ligne. Ça rend humble», lâche le directeur de la BMO. 

Douze mois plus tard, manger nous coûte 11,4 % de plus, nos hypothèques 14,5 %, et l’essence 13,7 %, selon les chiffres officiels de novembre. 

Ces trois postes de dépenses — aliments, logement, transport — sont de loin les plus importants des ménages, pour qui ces hausses se calculent en milliers de dollars par année. 

Comme les prix, les profits des grandes corporations, notamment les banques, ont gonflé cette année au Canada. 

Un sommet en 60 ans a même été atteint aux mois d’avril, de mai et de juin, quand les profits après impôt des sociétés ont représenté 20 % du PIB.

C’est plus du double de la moyenne enregistrée entre 1960 et 2000, indique Statistique Canada. 

LA CRISE INFLATIONNISTE AU QUÉBEC EN QUELQUES DATES

7 janvier :

On apprend que le prix du lait au détail va augmenter de 4 % à 6 % dès février, ce qui donne le ton à l’année 2022. Il avait augmenté de 7,4 % de 2016 à 2021.

20 janvier :

On a, ce jour-là, un premier aperçu, de ce qui nous attend en 2022. En effet, on apprend que l’inflation en décembre 2021 a atteint 4,8 %, un taux inédit depuis 1991. 

22 mars :

Photo d'archives

31 mai :

François Legault promet d’envoyer un deuxième chèque aux Québécois s’il est réélu le 3 octobre. Il avait déjà offert un crédit d’impôt de 500 $ pour faire face à l’inflation, lors du budget, en mars. La deuxième aide, un chèque non imposable 400 $ à 600 $, sera finalement versée début décembre. 

20 juillet :

Le sommet est atteint à cette date, quand les chiffres de l’Indice des prix à la consommation du mois de juin sont publiés. Ce sont les plus élevés de l’année, avec un taux d’inflation à 8,1 %. 

10 septembre :

La sécheresse en Californie est plus importante que prévu et cause l’augmentation des prix des fruits et légumes importés au Québec, qui achète 3 milliards $ de laitues et de petits fruits par année dans cet État américain.

5 octobre :

Ottawa ouvre une enquête sur les profits qu’ont enregistrés les épiceries canadiennes au cours des derniers mois. C’est le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire qui s’en charge. La première rencontre, en décembre, montre que les députés ne font pas le poids devant les représentants de l’industrie. 

Le mot de l’année

L’inflation est sur toutes les lèvres en cette fin 2022. Le Journal est allé demander aux Québécois quels étaient leurs sujets économiques de l’année. Tous ont spontanément mentionné la hausse du coût de la vie. 

La plateforme québécoise Glouton.

Photo tirée du site web de Glouton

La plateforme québécoise Glouton.

La crise inflationniste, qui a débuté en 2021 et qui s’est aggravée à la suite de l’offensive russe en Ukraine a fait exploser la popularité des outils pour épargner, qu’il s’agisse des magasins à escomptes, comme Dollarama, d’applications comme la plateforme québécoise Glouton ou encore d’épiceries offrant des emplettes à petit prix, comme Les Escomptes Saint-Jean.

Les Escomptes Saint-Jean.

Photo Julien McEvoy

Les Escomptes Saint-Jean.

PAS D’AUTRES CHOIX QUE DE RETOURNER TRAVAILLER

À cause de la hausse du coût de la vie, Sabrina Firmino–Matheus n’a plus les moyens d’être mère au foyer à plein temps.

Photo Hélène Schaff

À cause de la hausse du coût de la vie, Sabrina Firmino–Matheus n’a plus les moyens d’être mère au foyer à plein temps.

«J’étais une maman à la maison et je dois retourner travailler. On n’a plus les moyens que je reste à la maison à m’occuper de mes filles», explique Sabrina Firmino–Matheus, une jeune mère de famille.

L’inflation généralisée a mis à mal le budget de la famille. Et en 2023, ce sera pire : «On a acheté notre maison en 2018, ajoute-t-elle. Il va falloir renouveler notre taux hypothécaire, ça fait très très mal.»

Amal, une autre maman rencontrée par Le Journal, dit aussi se chercher un emploi pour combler le trou laissé par l’inflation. 

Même son de cloche chez les plus âgés : Diana, récemment retraitée, affirme que plusieurs de ses amis proches de la retraite pensent devoir repousser le moment de leur départ du marché du travail.

C’EST PARTICULIÈREMENT DOULOUREUX À L’ÉPICERIE

Diana, qui a récemment pris sa retraite, explique que plusieurs de ses amis songent à rester sur le marché du travail pendant encore un certain temps.

Photo Hélène Schaff

Diana, qui a récemment pris sa retraite, explique que plusieurs de ses amis songent à rester sur le marché du travail pendant encore un certain temps.

«La hausse des prix est vraiment remarquable quand je fais mon épi-cerie, sur tous les articles», lance Diana, une retraitée croisée dans un centre commercial de l’agglomération de Montréal.

L’inflation alimentaire n’épargne personne, même si l’essence, à plus de 13 %, restait — de peu — numéro un pour l’inflation en novembre.  

Si les familles à revenus modestes avaient déjà l’habitude de chercher les rabais, elles se retrouvent désormais avec un trou dans leur budget. Quant aux ménages plus nantis, plusieurs expliquent au Journal avoir commencé pour la première fois à scruter circulaires et rabais.

ET LE PRIX DE LA BOUFFE VA CONTINUER DE GRIMPER EN 2023

André Vellis, qui habite la banlieue de Montréal, fait remarquer que les problèmes environnementaux ainsi que la raréfaction des ressources risquent très fortement de pousser l’inflation alimentaire vers le haut au cours des prochaines années.

Photo Hélène Schaff

André Vellis, qui habite la banlieue de Montréal, fait remarquer que les problèmes environnementaux ainsi que la raréfaction des ressources risquent très fortement de pousser l’inflation alimentaire vers le haut au cours des prochaines années.

«Il y a bien du monde qui souffre, même avec le chèque de M. Legault. Ceux qui en arrachent, ils vont en arracher encore plus», s’inquiète Michel, un retraité qui se dit chanceux de ne pas être dans le besoin.

«Ça va continuer de même avec les problèmes environnementaux et les ressources qui sont de plus en plus rares», estime quant à lui André Vellis, résident de la banlieue de Montréal.

Le dernier rapport annuel sur les prix alimentaires semble donner raison aux deux hommes : la forte inflation alimentaire va continuer. On s’attend à une progression de 5 % à 7 % en 2023.

Quant aux raisons : oui, les événements climatiques défavorables sont bien en cause, mais il faut ajouter dans la balance la guerre en Ukraine et le prix élevé du pétrole.

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