Est-ce que le premier ministre François Legault accepterait d'offrir, pour le compte d’une entreprise privée appartenant, mettons, à sa conjointe, une formation (master class) qui serait vendue à des entreprises et à des sociétés d’État?
Réponse à cette question hautement hypothétique: absolument pas! Le chef du gouvernement caquiste sait pertinemment que cela soulèverait la controverse et des apparences de conflit d’intérêts.
Alors pourquoi n’exige-t-il pas de la part des hauts dirigeants des sociétés d’État la même prudence en matière de bonne gouvernance?
Cela aurait évité à la présidente d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, qu’il a lui-même nommée à ce prestigieux poste, de se mettre les pieds dans les plats avec L’effet A de la compagnie Médias O’Dandy, où son conjoint, John Gallagher, est l’actionnaire majoritaire.
Master class de Brochu
Rappel des faits. Mon collègue Francis Halin rapportait cette semaine que la PDG d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, avait offert bénévolement, pour le compte de la firme privée de son conjoint, une formation (master class) pour les femmes d’affaires, qui a rapporté à ce dernier des ventes de près de 50 000$.
Il s’agit de l’école de formation L’Effet A, laquelle appartient à Médias O’Dandy, dont l’actionnaire majoritaire est John Gallagher, le conjoint de Mme Brochu.
Titre de la formation: 30 jours avec Sophie Brochu. Prix: 695$.
«Conçue pour aider les femmes à retrouver un sentiment de clarté sur ce qui les anime, la master class L’effet A 30 jours avec Sophie Brochu: se recentrer pour voir loin est une formation intensive qui leur permet de se projeter dans la suite de leur carrière grâce à une solide connaissance de soi.»
Au sujet de cette master class de Mme Brochu, des experts en éthique consultés par mon collègue Halin se montrent critiques.
«Si la firme de son conjoint a pu profiter directement ou indirectement de cela, c’est une erreur de Sophie Brochu», affirme Robert Pouliot, enseignant à l’ESG-UQAM.
Et selon Ivan Tchotourian, professeur de droit à l’Université Laval et spécialiste en gouvernance: «Ça aurait peut-être pris un degré de prudence supplémentaire.»
Qu’à cela ne tienne, Hydro-Québec affirme que leur présidente-directrice générale n’a rien à se reprocher puisque les décisions concernant le «dossier» des formations de L’Effet A sont prises par la présidente du conseil d’administration d’Hydro, Jacinthe Côté.
Le manque de transparence de Fitzgibbon
Ça me dépasse de voir François Legault faire preuve d'une si grande tolérance devant le manque de transparence de son ministre aux multiples tentacules ministériels, Pierre Fitzgibbon: ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, ministre responsable du Développement économique régional et ministre responsable de la Métropole et de la région de Montréal.
Depuis un an que le dossier traîne, comment se fait-il que le premier ministre Legault n’ait jamais forcé son puissant ministre Fitzgibbon à dévoiler le nom des 10 entreprises pour lesquelles il est intervenu en leur faveur alors que ces entreprises ne répondaient pas aux critères d’admissibilité des prêts accordés par Investissement Québec en vertu du Programme d’action concertée temporaire pour entreprises (PACTE)?
C’est la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, qui avait révélé cette intervention «secrète» du ministre Fitzgibbon dans le cadre du PACTE.
Motus et bouche cousue chez les bonzes du ministère de l’Économie et d'Investissement Québec.
Tout ce beau monde se cache derrière l’excuse suivante: le ministre Fitzgibbon n’a rien fait de mal, car, selon une clause du guide de gestion interne du PACTE, le ministre «peut autoriser de l’aide à des entreprises qui ne respectent pas tous les critères d’admissibilité» de ce programme de 2,5 milliards de dollars.
Ah oui! Alors pourquoi ni le ministre Fitzgibbon, ni les membres de son ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l'Énergie, ni la direction d’Investissement Québec n’ont pris la peine de communiquer publiquement l’existence de cette «clause du guide interne» qui donnait la possibilité aux entreprises de solliciter l’intervention du ministre si elles ne répondaient pas aux critères d’admissibilité?
En outre, est-ce que François Legault trouve normal que son puissant ministre Fitzgibbon et les dirigeants de son ministère de l’Économie et d’Investissement Québec n’émettent aucun communiqué sur les 50 millions de dollars d’investissements effectués dans la société LMPG (Lumenpulse), où l’un des actionnaires et membre actuel du conseil d’administration de LMPG, Michel Ringuet, agissait comme mandataire de la fiducie sans droit de regard du ministre Fitzgibbon?
Comme manque de transparence, c’est difficile à battre, surtout quand on sait que Fitzgibbon a été lui-même administrateur de Lumenpulse de 2013 à 2017.
Et en plus de ces informations, mon collègue Sylvain Larocque dévoilait cette semaine que Québec a investi en 2020 et en 2021 près de 150 millions $ dans six entreprises codétenues par une firme de Michel Ringuet alors que celui-ci était mandataire de la fiducie du ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon.
En politique, la meilleure façon d’éviter les apparences de conflit d’intérêts, c’est de miser sur la transparence.
Avec l'ouverture d'une 5e enquête de la Commissaire à l'éthique et à la déontologie annoncée vendredi, touchant cette fois les liens de Pierre Fitzgibbon avec l'entreprise Lumenpulse, François Legault n'aura pas le choix d'exiger plus de transparence de son superministre.
Sophie Brochu et Pierre Fitzgibbon: ça suffit l'éthique «élastique» à la CAQ - Le Journal de Montréal
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