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Saturday, October 29, 2022

Analyse | Faut-il revoir le mandat de la Banque du Canada? - Radio-Canada.ca

Le siège social de la Banque du Canada.

La Banque du Canada a récemment annoncé une sixième hausse de son taux directeur cette année.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

La perspective d’une récession en mène plusieurs à remettre en question le mandat de la Banque du Canada. Si, sur le plan politique, il est populaire de cibler la banque centrale comme étant responsable d’une partie de nos malheurs, dans les faits, il est sain et tout à fait pertinent de se poser des questions sur sa mission.

Ce mandat, qui a été renouvelé et légèrement amendé en 2021, est défini par la Loi sur la Banque du Canada. Selon l’entente conclue avec le gouvernement, la banque centrale doit favoriser la stabilité des prix et un niveau d'emploi durable maximal. Cela dit, son objectif premier est de maintenir l’inflation à un niveau bas et stable au fil du temps.

Et c’est pour ça que Tiff Macklem, le gouverneur de la Banque du Canada, a dit, en entrevue à Zone économie mercredi soir, qu’il n’avait pas vraiment d’autre choix que d’agir comme il le fait présentement. Il n’y a pas de manière facile de restaurer la stabilité des prix, a-t-il déclaré. Je ne veux pas dire que ce sera facile. Je comprends que plusieurs Canadiens sont endettés. Et l’augmentation des taux d’intérêt va mettre plus de stress sur eux. C’est quelque chose qu’on suit de près.

La banque a fait passer son taux directeur de 0,25 % à 3,75 % de mars à octobre, une montée rapide et historique, qui n’est pas encore terminée bien qu’elle semble s’achever. Cette croissance des taux fait fléchir l’économie. Le marché immobilier est en recul et les dépenses des consommateurs et des entreprises ralentissent, ce qui fait dire à Tiff Macklem que sa politique fonctionne.

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, durant une conférence de presse.

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem

Photo : La Presse canadienne / PATRICK DOYLE

On n’a pas encore vu de grands effets des hausses de taux d’intérêt sur l’inflation, a dit le gouverneur. Mais on commence à voir les effets sur l’économie : sur le marché du logement, par exemple, et les grands achats. On voit que les taux d’intérêt commencent à réduire l’activité et cela va atténuer les pressions à la hausse sur l’inflation. Donc, j’espère que bientôt on commencera à voir une baisse du taux d’inflation.

Au prix d’une récession?

Mais cette montée rapide des taux nous mène à la récession selon plusieurs économistes. Ce ne sera pas une contraction majeure [...], ce ne sera pas une récession majeure, a tenu à préciser Tiff Macklem, qui évoque une forme de stagnation de l’économie d’ici l’été prochain avec une croissance du PIB autour de 0 % pour les prochains trimestres.

Néanmoins, des milliers de Canadiens doivent composer avec une hausse des taux qui réduit considérablement leur capacité à respecter toutes leurs obligations financières. Et de mai à septembre, le Canada a perdu près de 100 000 emplois à temps plein. Les hausses de taux, qui ont pour objectif de calmer l’inflation, ont d’autres effets, financiers et économiques.

C’est pourquoi l’économiste et sénatrice Diane Bellemare est d’avis qu’il faut adopter un mandat duel comme aux États-Unis : il faut, selon elle, mettre sur un pied d’égalité les objectifs de stabilité des prix et d’emploi maximal. Or, au Canada, la mention de l’emploi occupe une place moins importante dans le processus de décision de la banque.

En fait, chez nous, c’est aux différents gouvernements et à leur politique fiscale que revient le travail de maintenir un niveau d’emploi durable. Alors qu’aux États-Unis l’engagement de la Réserve fédérale est plus large, au Canada on semble miser davantage sur une forme d’harmonisation entre les politiques fiscale et monétaire.

Cette façon de faire n’est peut-être pas optimale. Avec le mandat actuel de la Banque du Canada, qui est d’agir presque exclusivement sur l’inflation, les gouvernements se trouvent à poser des gestes qui viennent pratiquement entraver l’action de la banque centrale.

En effet, parce que l’économie ralentit, que des emplois sont perdus, que le coût de la vie augmente, on voit, en ce moment, des gouvernements, à Ottawa comme dans plusieurs provinces, notamment au Québec, injecter des milliards de dollars dans l’économie sous forme d’aide et de chèques. Or, ce sont là des mesures qui peuvent alimenter l’inflation.

Si la banque centrale prenait davantage en compte la situation économique et de l’emploi, peut-être aurait-elle monté moins rapidement ses taux d’intérêt. Peut-être aurait-elle pu agir bien avant mars 2022, ce qui aurait eu un effet moins brutal sur la croissance de l’économie. Et les gouvernements auraient peut-être eu moins tendance à vouloir intervenir pour envoyer de l’argent aux contribuables.

Peut-on critiquer la Banque du Canada?

La situation actuelle, toute particulière, nous invite à nous interroger sur le travail de la banque centrale et sur son mandat. Non seulement il faut poser des questions au gouverneur Macklem sur sa gestion de l’inflation depuis plus d’un an, ce que j’ai fait, mais il est essentiel de confronter le mandat de la banque à l’économie réelle.

La hausse des taux est forte, brutale, son effet sur l’inflation prendra du temps à se manifester. En attendant, l’économie ralentit, des gens s’endettent, des emplois sont perdus.

Tiff Macklem accepte qu’on le critique et le questionne. C’est clair que nous sommes dans une période difficile. L’inflation est trop élevée. L’économie commence à ralentir. Nous avons fortement haussé les taux d’intérêt. Les Canadiens et les élus ont beaucoup de questions pour nous et c’est facile à comprendre. Nous accueillons les commentaires et les questions.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, demande une révision du mandat de la Banque du Canada, responsable en partie, selon lui, de la récession qui s'annonce au Canada en raison de mesures trop radicales.

Jagmeet Singh en point de presse.

Jagmeet Singh

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Dans une lettre envoyée au premier ministre Trudeau, Jagmeet Singh dénonce les propos récents du gouverneur Macklem qui a conseillé aux entreprises de ne pas intégrer des salaires plus élevés dans les contrats conclus avec leurs employés, malgré le fait que les salaires sont loin de suivre l’inflation.

Cette solution unique à l’inflation, écrit-il, jette déjà les bases d’une récession et rend la vie difficile à la plupart des gens, en particulier aux familles de travailleuses et travailleurs et aux personnes à revenu fixe, comme les aînés et les personnes en situation de handicap. Le gouvernement croit-il que les récentes mesures prises par la Banque – augmenter considérablement les taux d’intérêt et ainsi miner l’emploi – sont conformes à l’objectif d’un emploi maximal durable?

Le chef du NPD pose une question fondamentale, qui mérite qu’on reprenne le débat. L’inflation touche particulièrement les personnes les moins nanties de la société, mais les hausses brutales de taux d’intérêt ont aussi un effet majeur sur la santé financière de millions de ménages au pays.

Une distinction entre Jagmeet Singh et Pierre Poilievre

La critique de Jagmeet Singh, faut-il le souligner, est bien différente de celle de Pierre Poilievre, le chef du Parti conservateur, qui a promis de congédier Tiff Macklem s’il devient premier ministre du Canada.

Pour Pierre Poilievre, la banque centrale a agi comme le guichet automatique du gouvernement durant la pandémie, les cryptomonnaies représentent un remède contre l’inflation et il faut donner aux gens la liberté de choisir leur propre monnaie sans que la Banque du Canada puisse intervenir pour imprimer de l’argent et dévaloriser la devise. Ces propos sont trompeurs et n’ont rien à voir avec le débat essentiel et nécessaire qu’on doit mener sur le mandat et les objectifs de la Banque du Canada.

Pierre Poilievre.

Le chef conservateur, Pierre Poilievre

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Cela dit, on ne peut pas réclamer le silence sur le travail de la Banque du Canada. Pour le ministre de la Santé Jean-Yves Duclos, on ne peut pas remettre en question la crédibilité de la banque centrale. Les élus doivent tout faire, selon lui, pour maintenir la capacité de la banque centrale de faire son travail.

S’il est vrai que les propos de Pierre Poilievre soulèvent un certain malaise quant au respect que porte le chef du Parti conservateur aux institutions du pays, il est sain, comme Diane Bellemare ou Jagmeet Singh l’ont fait, de s’interroger sur le travail de la banque centrale et sur la nécessité de plonger l’économie en récession pour faire baisser l’inflation.

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