Si la Banque du Canada cherchait un dernier prétexte pour hausser les taux d’intérêt, elle a pu le trouver dans le rapport spectaculaire sur les postes vacants paru lundi matin.
À moins que le foutu variant Omicron ne vienne brouiller les cartes…
Selon Statistique Canada, les postes vacants ont explosé au 3e trimestre de 2021, les employeurs canadiens cherchant à pourvoir plus de 912 500 postes, un record. Le bond est de 180 675 postes par rapport au printemps et il accélère une tendance commencée avant la pandémie. Depuis deux ans, la hausse est de près de 350 000 postes.
Cet indicateur de la rareté de main-d’œuvre n’est pas seulement en hausse dans les deux ou trois provinces les plus dynamiques, comme le Québec et la Colombie-Britannique, mais partout au pays. Même les provinces pétrolières de l’Alberta, de la Saskatchewan et de Terre-Neuve ont enregistré une forte augmentation. Wow !
Au Québec, 238 050 postes étaient orphelins au cours de l’été, un saut de plus de 100 000 depuis deux ans. Ce niveau correspond à 6,1 % de l’ensemble des emplois sur le marché du travail, au 2e rang derrière la Colombie-Britannique (6,7 %).
Les postes vacants confirment la vigueur du marché de l’emploi, qui présente un faible taux de chômage.
Le relevé de Statistique Canada arrive une semaine après l’adoption de la nouvelle politique de la Banque du Canada. Cette politique réitère la volonté de la Banque de cibler une fourchette de 1 % à 3 % pour le taux d’inflation, mais elle ajoute que la Banque doit aussi tenir compte d’un second critère pour ajuster son taux d’intérêt directeur : « un niveau d’emploi durable maximal ».
Selon la Banque, ce plein emploi durable est défini « comme le niveau d’emploi le plus élevé pouvant être soutenu par l’économie avant que des pressions inflationnistes ne commencent à s’exercer ».
Or, force est de constater que ce niveau est atteint, à la lecture du relevé de Statistique Canada. Pour 42 % des postes offerts, la hausse des salaires proposés était supérieure à celle de l’Indice des prix à la consommation (IPC). Entre le 3e trimestre de 2019 et celui de 2021, l’IPC a grimpé de 4,3 %.
Le 8 décembre, la Banque a indiqué qu’elle ne prévoyait pas augmenter son taux directeur avant le 2e trimestre de 2022. Elle n’a donné de précisions ni sur le niveau d’augmentation ni sur le nombre de hausses prévues en 2022, mais certains économistes estiment qu’il y aura entre 3 et 5 hausses de 0,25 point de pourcentage d’ici janvier 2023, ce qui ferait passer le taux directeur à 1 %, voire 1,5 %. Les taux hypothécaires devraient suivre la même tendance.
Omicron mêle tout
Ce boom des postes vacants et cette prévision de taux ont été faits avant l’explosion des cas de COVID-19 annoncés ces derniers jours. On ne sait pas encore l’impact qu’aura cette multiplication des cas et des hospitalisations sur l’économie, mais il est évident que la fermeture de certains commerces au Québec, comme les bars, ne sera pas sans effet.
Lundi, d’ailleurs, les Bourses nord-américaines réagissaient en forte baisse face à la propagation des cas de COVID-19, un indice qui est parfois précurseur d’un éventuel repli de l’économie. L’indice S&P/TSX de la Bourse de Toronto a ainsi reculé de près de 1 %, pendant que l’indice américain S&P 500 perdait 1,1 %.
Quoi qu’il en soit, au Québec, six secteurs ont été responsables de 80 % de la croissance des postes vacants, estime l’Institut de la statistique du Québec, en se basant sur les données de Statistique Canada.
Il s’agit de la construction, du commerce de détail, de la santé et des services sociaux, de la fabrication, des services scientifiques et techniques (informatique et génie) ainsi que des services d’hébergement et de restauration.
Dans son minibudget de novembre, le gouvernement du Québec a justement annoncé des mesures pour contrer la pénurie dans trois de ces secteurs (construction, santé, ainsi que génie et technologie de l’information).
Statistique Canada note toutefois que depuis deux ans, le nombre de postes vacants au Canada a davantage augmenté dans les métiers à faible salaire que dans les professions à salaire élevé.
Les 20 % d’emplois à plus faible salaire sont responsables de 51 % des postes vacants au 3e trimestre de 2021. À l’autre bout de l’échelle, on retrouve 9,4 % des postes vacants chez les 20 % d’emplois à plus fort salaire.
Certains pourraient se demander pourquoi il faut freiner l’ardeur de l’économie avec des hausses de taux d’intérêt. C’est, essentiellement, parce que la vigueur incontrôlée de l’économie et la hausse de l’inflation peuvent devenir nuisibles passé un certain niveau.
On n’a qu’à penser au marché immobilier : le prix des maisons a explosé depuis trois ans, si bien que les premiers acheteurs sont souvent incapables de devenir propriétaires dans la région de Montréal, à moins de s’éloigner et d’exacerber ainsi le phénomène d’étalement urbain.
Quelle période tumultueuse nous vivons, les amis…
Un million de postes vacants au Canada - La Presse
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