Alors que le transporteur Air Canada est assujetti à la loi sur les langues officielles, le nouveau patron, Michael Rousseau, a décidé de prononcer son premier grand discours au Québec seulement en anglais, a appris Le Journal.
C’est le mercredi 3 novembre qu’il prendra la parole devant les gens d’affaires à l’invitation de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) au Palais des congrès, lors d’un événement annoncé en grande pompe, un peu partout sur les médias sociaux.
La conférence présentée en collaboration avec Bombardier, qui avait vendu 45 appareils de la défunte CSeries à Air Canada, s’intitule Rebâtir la confiance et va porter sur les efforts du transporteur afin de relancer ses activités. Sur le site internet, on avertit toutefois l’auditoire que la conférence se fera en anglais.
« Comme indiqué publiquement, il fera son allocution en anglais », nous a confirmé la porte-parole de l’entreprise, Pascale Déry.
Un français fonctionnel ?
L’an passé, cette dernière avait souligné au Journal que M. Rousseau demeure au Québec depuis 2007 et « parle un français fonctionnel qu’il s’emploie à améliorer continuellement ».
Il s’agit d’un changement pour Air Canada, car le prédécesseur de M. Rousseau, Calin Rovinescu, parlait quant à lui un français impeccable et avait prononcé plusieurs discours dans la métropole.
« Je constate que c’est un recul. Si Air Canada ne se donne pas la peine d’avoir un visage bilingue, ce n’est pas encourageant pour les passagers », a souligné François Larocque, professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie canadienne en droits et enjeux linguistiques lors d’une entrevue avec Le Journal.
Loi sur les langues officielles
Air Canada, dont le siège social est à Montréal, est soumise à la loi sur les langues officielles, ce qui veut dire qu’elle doit maintenir toutes ses obligations en matière de langues officielles principalement envers sa clientèle.
« Sans contrevenir à la lettre de la loi, un discours en anglais par le chef d’entreprise dans un contexte commercial à Montréal, ce n’est pas conforme à l’esprit de la loi et au visage public d’Air Canada », constate M. Larocque.
Si le grand patron a choisi l’anglais pour s’exprimer, c’est également le cas pour certains employés du transporteur. Lors des dernières années, Air Canada a fait l’objet d’environ 85 plaintes par année au Commissariat aux langues officielles, la presque totalité concernant l’absence de français dans le service à la clientèle.
Rapport accablant
En 2016, l’ex-commissaire Graham Fraser avait d’ailleurs déposé un rapport accablant concernant Air Canada.
« Tout comme mes prédécesseurs, j’ai utilisé, sans succès, divers pouvoirs que la Loi me confère afin de tenter d’obliger Air Canada à mieux respecter ses obligations linguistiques [...]. Air Canada a toujours été – et demeure – l’une de celles qui font l’objet du plus grand nombre de plaintes », avait-il souligné.
Lors de l’annonce de la nomination de M. Rousseau, Le Journal avait contacté le nouveau commissaire Raymond Théberge qui avait souligné « que le bilinguisme est une compétence cruciale pour tout leader, que ce soit en politique, dans la fonction publique ou même au sein des entreprises privées, surtout pour celles qui sont assujetties à la Loi sur les langues officielles ».
Des assemblées en français
Pour éviter cette anglicisation des sociétés québécoises, le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) veut aller de l’avant avec une proposition d’actionnaire.
« On souhaite que le français figure au statut des entreprises dont le siège social est ici, et ce, à la manière d’un État. Ces principes seraient enchâssés dans les lois actuelles notamment la Charte de la langue française », souligne Willie Gagnon, qui est le directeur du MÉDAC.
« Et on va leur fournir une liste de grandes sociétés étrangères qui tiennent leur assemblée dans la langue de l’État où se trouve le siège social. C’est le cas pour Volkswagen, L’Oréal, Danone... Nissan le fait en japonais, Foxconn en mandarin et Heineken en néerlandais. Ici, ça doit être fait en français », conclut Willie Gagnon.
Ces patrons du Québec qui ne parlent que l’anglais
Même si la seule langue officielle au Québec est le français, plusieurs entreprises ont tout de même décidé de procéder à la nomination de patrons qui ne parlent que l’anglais.
C’est le cas de la Banque Laurentienne, dont le siège social est à Montréal. La nomination de la patronne Rania Llewellyn, unilingue anglophone, avait créé un certain émoi.
Lors de la dernière assemblée des actionnaires de l’institution bancaire québécoise, seul l’anglais avait été utilisé hormis quelques phrases dans la langue de Molière.
Cela a également été le cas à SNC- Lavalin lors d’une assemblée le printemps dernier. Pendant 20 minutes, les actionnaires francophones n’avaient eu aucune traduction dans leur langue.
« On a vu cela aussi chez Couche-Tard lors de l’embauche du PDG, Brian Hannasch. Le fondateur Alain Bouchard nous avait promis qu’il allait apprendre le français, mais l’année suivante on nous a dit qu’il avait d’autres priorités. On nous a dit que l’objectif a été abandonné », se rappelle Willie Gagnon, du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC).
Un discours uniquement en anglais pour le nouveau patron d'Air Canada - Le Journal de Montréal
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