Ce n’était pas juste un hasard, mais plutôt un moment révélateur d’une tendance de consommation.
Le temps était magnifique. C’était le 30 septembre, les trottoirs de l’avenue du Mont-Royal, sur le Plateau, étaient bondés, mais les boutiques manquaient clairement de clients à servir. L’effet des derniers rayons de soleil de l’automne ? L’inflation ?
En regardant à travers les vitrines, j’ai trouvé une exception. Le magasin Renaissance aurait eu besoin de huit caisses enregistreuses tant la file pour payer était longue. Elle devait compter au moins 20 personnes, malgré le travail de trois caissiers. Une vraie ruche ! On y bouquinait. Des parents cherchaient des costumes d’Halloween pour la marmaille. Des étudiants fouinaient dans les chandails et la vaisselle.
C’était difficile de circuler dans les allées, comme chez Costco deux jours avant Noël.
« Depuis l’été, l’effet des taux d’intérêt se fait sentir », constate le directeur général de Renaissance, Éric St-Arnaud. Mais voilà déjà quelques années qu’une « conjoncture de plein d’éléments » contribue au succès de l’organisme sans but lucratif (OSBL) et à la demande « énorme » pour les biens usagés.
Ce n’est pas un simple discours jovialiste ou marketing. Un coup d’œil dans les états financiers de Renaissance nous apprend que les ventes ont fait un bond impressionnant de 21 % l’an dernier, pour atteindre 77 millions de dollars. Une croissance à rendre jaloux la majorité des détaillants. Ça fait beaucoup de transactions, de clients et d’articles à quelques dollars qui entament un nouveau chapitre de leur vie.
Selon le plus récent Baromètre de la consommation responsable de l’ESG UQAM, publié en novembre, 43,5 % des Québécois ont acheté des produits usagés dans la dernière année.
L’engouement pour les biens d’occasion n’est guère étonnant, mais son ampleur est impressionnante. Emballante aussi.
Le contexte économique et climatique a modifié les habitudes de consommation assez rapidement. On cherche toutes sortes de moyens d’étirer le budget à cause de l’inflation, du prix de l’épicerie et des logements, tout en se souciant de la planète. L’achat d’un jeans à 6 $ ou d’un jeu de Monopoly à 4 $ devient une solution évidente.
C’est sans compter que la perception du marché de l’occasion a évolué. Les adolescents n’ont absolument aucune honte à s’habiller dans les friperies, que ce soit chez Renaissance, au Village des Valeurs ou sur l’application Vinted. Au contraire, c’est valorisé.
Même les cadeaux usagés « sont rendus in », raconte Éric St-Arnaud. « Une pile de 10 livres à 15 $ avec un ruban, c’est cool ! » Vous cherchiez des façons d’économiser à Noël, en voilà une qui, en plus, finance l’intégration de personnes vulnérables sur le marché du travail. Que demander de mieux ?
La marque Renaissance bénéficie aussi du bon vieux principe de la saucisse Hygrade. À mesure qu’elle augmente son nombre de succursales, sa notoriété bondit, ce qui accroît la quantité de dons reçus et, par conséquent, l’attrait des boutiques. Il y a quelques jours, un 38e point de vente a été inauguré à Saint-Bruno-de-Montarville, entre les Promenades et Home Depot. On est loin du petit commerce mal situé et invisible. En 2024, trois ouvertures sont prévues, dont une dans un tout nouveau territoire, celui de Québec.
Mais le rêve le plus fou d’Éric St-Arnaud est d’ouvrir un centre commercial entièrement destiné aux biens usagés. Il croit pouvoir y arriver. Je le lui souhaite. C’est une excellente idée.
Les clients pourraient y trouver une quincaillerie, une boutique de vêtements, une autre de jouets ou d’articles de cuisine. L’espace abriterait aussi des locaux destinés à la réparation des choses avec des outils et des machines à coudre autour d’un café, comme ça existe à Helsinki, en Finlande. Fin novembre, à la SRC, Infoman nous a fait découvrir un magnifique immeuble où ce concept est poussé à l’extrême. On peut y emprunter un instrument de musique, utiliser une imprimante laser, coller une image sur un t-shirt1. On y réinvente carrément la façon de consommer.
On réalise de plus en plus qu’il est absurde de tout acheter neuf et de posséder des choses qu’on utilise une fois par année, qu’il s’agisse d’un banc de scie ou d’une bâche pour peinturer. Les modèles d’affaires doivent s’adapter à ce constat.
En attendant de concrétiser son projet de centre commercial nouveau genre, Renaissance ne cesse d’améliorer l’expérience de magasinage dans ses points de vente. L’objectif : donner l’impression qu’on vend du neuf. Et vendre le plus possible. Peu importe ses revenus, tout le monde a droit à un éclairage adéquat et à d’agréables effluves d’huiles essentielles, croit Éric St-Arnaud.
C’est une bonne chose pour l’environnement, bien sûr. Mais en plus, les profits permettent d’intégrer des personnes au marché du travail, et pas seulement dans le secteur de la vente au détail, comme je le croyais. En fait, dans les magasins, vous croisez peu de personnes en formation. La très vaste majorité des 1500 personnes aidées chaque année passe par les Centres d’aide à l’emploi Renaissance (CAER) où les services offerts s’adressent à tous ceux qui veulent travailler, peu importe le domaine. Avec la hausse notable du nombre d’immigrants et de réfugiés, la demande est particulièrement forte.
Voilà une bonne raison de plus pour encourager ce modèle, en donnant ou en achetant.
TVQ et TPS
Mea-culpa. Je ne sais pas ce que je faisais en 2012 quand on a annoncé que la TVQ ne serait plus calculée sur le montant comprenant la TPS à compter de 2013, mais j’avais raté la nouvelle. Des lecteurs me l’ont gentiment rappelé la semaine dernière, après avoir lu ma chronique publiée ici qui faisait fi de cette réalité.
La croissance de Renaissance | La Presse - La Presse
Read More
No comments:
Post a Comment