À la suite des épisodes chaotiques dans les aéroports canadiens l’été dernier et aux Fêtes, Ottawa propose des modifications à Loi sur les transports pour rendre obligatoire et automatique l’indemnisation des voyageurs en éliminant les exemptions qui permettent aux transporteurs aériens de l'éviter.
En point de presse lundi, le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, a annoncé que ces changements, qui sont contenus dans le projet de loi C-47 sur la mise en œuvre du budget, entreront en vigueur dès son adoption.
Parmi les changements, la compensation serait l’option par défaut, a déclaré Omar Alghabra. Donc, en plus d’avoir droit à un remboursement, la plupart des passagers aériens auront droit à une compensation financière.
Selon le ministre, ces changements législatifs permettront à l’Office des transports du Canada (OTC) d’accroître la responsabilité des transporteurs aériens face au traitement des passagers et de leurs bagages lors d’annulations impromptues de vols, de retards importants ou d’autres perturbations.
En vertu des changements proposés à la loi, l’OTC pourrait désormais, par voie de règlement :
- Rendre obligatoire l’indemnisation des passagers floués par un transporteur aérien lors de toutes les perturbations sauf lors de
circonstances très limitées
, qui seraient déjà définies dans le règlement de l’OTC; - Éliminer dans la réglementation les exemptions fondées sur de grandes catégories de perturbation du genre (perturbation hors du contrôle des transporteurs aériens ou nécessaires à la sécurité) qu'évoquent les compagnies pour éviter d'indemniser leurs passagers;
- Rendre obligatoire la distribution de nourriture et d’eau aux passagers lors de toutes les perturbations de vol;
- Établir des exigences strictes pour les bagages retardés et le remboursement des passagers à la suite d’un avis aux voyageurs émis par le gouvernement.
« Cela signifie qu’il n’y aura plus d’échappatoires qui permettent aux transporteurs de dire qu’une perturbation est causée par quelque chose qui est hors de leur contrôle ou pour une raison de sécurité, lorsque ce n’est pas le cas. »
Améliorer le traitement des plaintes
Le ministre Alghabra compte aussi s'attaquer au traitement beaucoup trop long des plaintes contre les transporteurs aériens.
Selon lui, les modifications à la loi permettront à l'OTC de remplacer son processus de traitement actuel, qui comprend un arbitrage par des membres nommés par le gouverneur en conseil, par une approche simplifiée menée principalement par le personnel de l’Office.
« Ce ne sera plus le passager qui devra prouver qu’il a droit à une compensation. Ce sera le transporteur aérien maintenant qui devra prouver qu’il n’a pas à verser d’indemnisation. »
Le ministre des Transports veut aussi exiger des transporteurs aériens la mise en œuvre d'un processus interne pour le traitement des réclamations dans les 30 jours et renforcer les pouvoirs de l’OTC en lui permettant d’augmenter le montant des sanctions administratives financières applicables aux entreprises dans le cadre du RPPA.
On veut aussi permettre à l'OTC de récupérer auprès des transporteurs fautifs les coûts liés au traitement des plaintes qui se rendront jusqu'à l'Office. Actuellement, les plaintes qui sont ignorées ou refusées par les transporteurs sont envoyées par les plaignants à l'OTC, qui doit ensuite trancher.
L'Office débordé
Depuis la fin de la pandémie, l’Office des transports du Canada a été littéralement submergé de plaintes contre des compagnies aériennes qui ont perdu des milliers de bagages, annulé des dizaines de vols sans préavis et engendré d’importants retards lors des périodes d'affluence de l'été et des Fêtes.
En dépit d’une somme de 75,9 millions de dollars sur trois ans débloquée par le ministre Alghabra en mars pour l’embauche de 200 employés de plus à l’OTC pour gérer cet afflux de dossiers, l’OTC affiche, encore aujourd’hui, un arriéré de plus de 42 000 plaintes, soit trois fois plus qu'il y a un an.
Plus de 13 000 de ces plaintes ont été déposées entre le 1er décembre et le 6 mars dernier, l’une des périodes les plus chaotiques que le pays ait connues dans le domaine du transport aérien. La période des vacances estivales 2022 n’a été guère mieux, sinon pire dans certains aéroports du pays.
Un an et demi d'attente
Conséquence, il faut aujourd’hui compter plus de 18 mois pour le traitement d’un dossier à l’Office des transports du Canada.
Ces périodes de turbulences dans les aéroports ont été causées par une demande croissante des passagers après la pandémie, par des pénuries de main-d'œuvre et par les mauvaises conditions météorologiques à Noël.
Une situation qui a incité les membres du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités, à la Chambre des communes, à recommander un examen du rôle de l'OTC dans le modèle actuel d'application du Règlement sur la protection des passagers aériens.
Dans un rapport déposé le 18 avril dernier, le Comité fait 21 recommandations en évoquant des modèles potentiels d'agence de traitement des plaintes comme ceux des télécommunications et de la télévision, ou encore des banques.
L'annonce faite aujourd'hui répond à plusieurs des demandes formulées dans ce rapport.
C’est définitivement un pas dans la bonne direction
, se réjouit Jacob Charbonneau, cofondateur et PDG de Volenretard.com.
Ce qu’on est en train de changer, c’est d’harmoniser le règlement canadien avec le règlement européen où toutes les situations donnent droit à une prise en charge donc notamment nourriture, transport… On parle même au niveau des tempêtes de neige.
« Présentement, il y a un déséquilibre des pouvoirs entre les transporteurs qui sont des grandes entreprises qui ont des armées d’avocats et les pauvres voyageurs qui, eux, tentent de défendre leurs droits dans un monde où est-ce que c’était assez complexe. »
Si on donne plus de mordant à la première ligne, les plaintes vont pouvoir être traitées beaucoup plus rapidement, a souligné M. Charbonneau sur les ondes d'ICI RDI. Surtout, on va pouvoir rendre les décisions [de l’OTC] exécutoires. Donc, avec un traitement de première ligne, on va pouvoir forcer un transporteur à payer les indemnisations.
Et la responsabilité des aéroports?
En entrevue lundi après-midi sur les ondes d'ICI RDI, le directeur de l'Observatoire international de l’aéronautique et de l’aviation, Mehran Ebrahimi, se réjouissait aussi de cette annonce en soulignant toutefois que rien dans les propos du ministre Alghabra ne portait sur le rôle crucial que jouent les aéroports dans la ponctualité et la fiabilité des vols.
Imaginez une situation où un avion est plein, rempli pour partir et que l’aéroport n’a pas réussi à mettre tous les bagages dans l’avion. À ce moment-là, ce n’est pas la compagnie aérienne qui est responsable, c’est l’aéroport
, a expliqué M. Ebrahimi.
« Pour qu’un avion parte à l’heure, pour que le passager puisse être respecté dans son droit, il faut que la compagnie aérienne, l’aéroport et les douanes soient ensemble et prêts pour faire tout ça. »
Soulignant que les aéroports se sont beaucoup détériorés pendant la pandémie
, M. Ebrahimi a fait remarquer que le gouvernement fédéral n’a pas investi dans la modernisation des aéroports depuis un moment. Les aéroports sont endettés maintenant, ils ne peuvent pas améliorer le processus [...] et on n'a rien vu pour l'ensemble des acteurs
, déplore-t-il.
Ottawa veut rendre obligatoire l'indemnisation des passagers aériens - Radio-Canada.ca
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