Les époux Linda*, 71 ans, et Germain*, 69 ans, sont des retraités en bonne santé et d’un train de vie raisonnable qui souhaitent relancer leurs projets de voyage, après la pause forcée par la pandémie.
La situation
Toutefois, avec l’ajout des années, Linda et Germain se préoccupent de l’impact budgétaire de ces projets de voyage sur leur sécurité financière à long terme, lorsqu’ils devront recourir de plus en plus à des services d’aide et de maintien à domicile.
« Nous voulons nous remettre à voyager pendant que nous en avons encore la santé et la capacité. Toutefois, au lieu de voyager de façon autonome comme auparavant, nous allons voyager de façon plus encadrée et organisée, et donc plus coûteuse », explique Germain lors d’une discussion avec La Presse.
Pour le moment, Linda et Germain envisagent un budget de voyages d’environ 20 000 $ par année qui serait financé à même leur surplus budgétaire courant de l’ordre de 30 000 $ par année.
Il s’agit du solde entre les revenus nets de rentes (après impôts) de Linda et de Germain, qui totalisent 78 000 $, et leurs dépenses courantes, de l’ordre de 48 000 $ par année.
De prime abord, Linda et Germain auraient donc les moyens budgétaires de relancer leurs projets de voyage. En contrepartie, ils se questionnent sur le bas niveau de leurs comptes d’épargne-retraite (REER, FERR, CELI) qui sont indépendants du régime de retraite de Germain – le seul du couple – et de leurs rentes d’origine gouvernementale (PSV fédérale et RRQ provincial).
« Mon REER personnel et le FERR [ancien REER converti] de ma femme, d’où elle commence les retraits minimaux requis, totalisent environ 190 000 $ en actifs, explique Germain.
« Mais nos comptes CELI, auxquels nous venons de commencer à contribuer, totalisent environ 57 000 $. Ça nous apparaît très peu comme réserve d’épargne-retraite autonome dans l’éventualité où nous devrions faire face à de coûteux imprévus, d’ordre médical ou résidentiel, au fur et à mesure que nous avancerons en âge. »
Par ailleurs, signale Germain, sa femme et lui n’ont pas l’intention de revendre leur maison, d’une valeur nette d’environ 530 000 $ (libre d’hypothèque) et « en très bon état », tant qu’ils seront capables d’y habiter, même avec des services d’aide à domicile.
De plus, Linda et Germain n’ont pas de projet d’héritage envers leurs deux enfants, préférant plutôt les aider financièrement de leur vivant dans leurs dépenses courantes de jeunes familles.
Les chiffres
Germain*, 69 ans
Revenu total : 86 900 $
(régime de retraite d’employeur : 67 000 $, RRQ provincial : 11 660 $, PSV fédérale : 8250 $)
Actifs financiers :
REER : 81 200 $
CELI : 8200 $
Linda*, 71 ans
Revenu total : 17 500 $
(PSV fédérale : 8250 $, RRQ provincial : 4260 $, retrait minimal de FERR : env. 5000 $)
Actifs financiers :
FERR : 112 000 $
CELI : 49 000 $
Actifs communs des époux :
– en compte d’épargne courant : 10 000 $
– valeur nette de la résidence : env. 530 000 $
Budget commun des époux :
Revenu net de rentes (après impôts) : env. 78 000 $
Dépenses de train de vie : env. 48 000 $ (10 000 $ liés à la résidence, 38 000 $ liés au style de vie et à l’aide financière aux proches)
Surplus disponible : env. 30 000 $
Dans ce contexte, Germain demande : « Avant de relancer des dépenses de voyage, devrions-nous plutôt prioriser l’usage de notre surplus budgétaire pour combler en accéléré les montants de contribution disponibles dans nos CELI, et rehausser ainsi notre sécurité financière de vieillissement ? »
« Et dans ce cas, pourrions-nous quand même moduler ces contributions en CELI sans devoir trop faire de coupes dans nos projets de voyage ? Si oui, quel partage de ces montants serait recommandable, de part et d’autre ? »
La situation et les questions de Linda et Germain ont été soumises pour analyse-conseil à Mathieu Huot, qui est planificateur financier et fiscaliste chez IG Gestion de patrimoine, à Terrebonne.
Les conseils
En premier lieu, Mathieu Huot signale être un peu étonné de l’écart significatif entre les revenus bruts (environ 104 000 $) et les revenus nets après impôts (environ 78 000 $) des conjoints Linda et Germain.
En parallèle, il constate l’écart important entre les revenus de rentes bruts de Germain (86 900 $) et ceux de sa femme Linda (17 500 $).
« Le montant d’écart de 26 000 $ entre leurs revenus bruts et leurs revenus nets suggère que Linda et Germain paient beaucoup d’impôts par rapport à leur situation d’aînés autonomes », indique Mathieu Huot.
« Et quand on considère l’écart considérable des montants de revenu brut individuel de Germain et de Linda, tout indique qu’ils ne se sont pas encore prévalus du mécanisme fiscal du “fractionnement de revenu” entre conjoints aînés pour réduire leur facture d’impôts totale », constate M. Huot.
Selon ses estimations, Germain et Linda pourraient réaliser une économie d’impôts de l’ordre de 4000 $ à 5000 $ par année, ce qui bonifierait d’autant leur budget pour des projets de voyage.
Par conséquent, insiste Mathieu Huot, « ça devrait être leur priorité en matière d’optimisation fiscale à mettre en place dès cette année. Dans les préparatifs de leurs prochains rapports d’impôt [2023] sur leurs revenus de rentes [régime de retraite, PSV fédéral, retraits de REER/FEER], mais aussi en demande spécifique auprès de Retraite Québec en ce qui concerne le fractionnement des prestations du RRQ provincial ».
Voyages et épargne ?
En second lieu, concernant la préoccupation de Linda et Germain de réaliser des projets de voyage « pendant qu’ils en sont capables » sans compromettre la sécurité financière de leur âge avancé, Mathieu Huot peut les rassurer sur leur capacité à poursuivre ces deux objectifs en parallèle.
Comment s’y prendre ? « En considérant que leur budget soit bien complet, Linda et Germain ont déjà l’avantage d’un surplus budgétaire de l’ordre de 30 000 $, auquel pourraient s’ajouter quelques milliers de dollars dès l’an prochain avec les économies d’impôts découlant de la mise en place de leur fractionnement de revenu, souligne M. Huot.
« Par ailleurs, Linda et Germain anticipent un budget annuel de voyages de l’ordre de 20 000 $. S’ils parviennent à respecter ce budget, tout en maintenant leurs dépenses courantes à leur niveau actuel, ils devraient alors disposer d’environ 10 000 $ par année pour des cotisations à leur CELI, en guise de bonification de leur épargne-retraite. »
À ce rythme, tout en tenant compte d’un rendement annuel moyen de 3,75 % sur leur capital en CELI et en REER/FERR, ainsi que d’une indexation d’inflation de 2 % par année sur leurs dépenses de vie courante et leurs rentes de retraite, Mathieu Huot estime que Linda et Germain pourraient encore disposer d’un capital de l’ordre de 800 000 $ dans une vingtaine d’années, soit à l’aube de leurs 90 ans.
De plus, la valeur nette de la revente éventuelle de leur maison – estimée à 530 000 $ – est exclue de cette estimation de capital en épargne-retraite.
« Selon leur budget actuel, Linda et Germain peuvent être sûrs de réaliser leurs projets de voyage tout en continuant de bonifier leur épargne-retraite », indique Mathieu Huot.
Ni voyages ni épargne ?
Par ailleurs, que se passerait-il en cas de changement majeur aux priorités budgétaires de Linda et Germain au cours des prochaines années ?
Pour répondre à cette question, Mathieu Huot a opposé deux hypothèses budgétaires : une première où les 30 000 $ en surplus budgétaire iraient entièrement en épargne-retraite, sans frais de voyages ; et une deuxième où les 30 000 $ disponibles iraient entièrement en dépenses pour les voyages, sans cotisation additionnelle en épargne-retraite.
Les résultats de ces deux hypothèses ?
« Avec la première, Linda et Germain pourraient avoir accumulé quelque 1,4 million en capital d’épargne-retraite au début de leurs 90 ans, et près de 1,9 million en ajoutant la valeur nette de revente de leur maison, résume Mathieu Huot.
« Ça m’apparaît bien plus que leurs besoins prévisibles, à moins qu’ils aient des intentions d’héritage pour leurs proches. Aussi, Linda et Germain se seraient privés de voyages pendant les années où ils en étaient encore capables. »
Avec la seconde hypothèse financière, tout en voyages et sans épargne-retraite additionnelle, Mathieu Huot estime à 455 000 $ le capital d’épargne-retraite de Linda et Germain au début de leurs 90 ans, et d’environ 955 000 $ en ajoutant la valeur nette de la revente de leur maison.
« Ça apparaît suffisant pour leurs besoins budgétaires vers leur fin de vie prévisible. Toutefois, ça viendrait avec peu de marge de manœuvre en cas de projets de dons ou d’héritage à leurs proches. Et sans compter d’éventuels regrets financiers d’avoir beaucoup dépensé en voyages sans égard au renforcement de leur épargne-retraite », croit Mathieu Huot.
* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.
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