Le couperet tombe dans le secteur des médias de Québecor, qui élimine 240 postes, dont 140 chez Groupe TVA, en raison de l’érosion de ses revenus publicitaires. Son grand patron, Pierre Karl Péladeau, pointe la présence grandissante des plateformes de diffusion, l’inaction d’Ottawa face aux géants du web et la concurrence « déloyale » de Radio-Canada.
Aucun secteur n’a été épargné par la baisse des revenus l’an dernier. C’est dans ce contexte que la restructuration a été annoncée, jeudi, à l’occasion de la publication des résultats de fin d’exercice de Groupe TVA, qui a perdu environ 9 millions, ou 21 cents par action, l’an dernier.
« Nous sommes forcés de prendre les mesures appropriées afin de rétablir la situation financière et assurer la pérennité de Groupe TVA, a souligné M. Péladeau dans un communiqué. Cette décision est difficile, mais nécessaire dans le contexte actuel. »
Environ 11 % de l’effectif de Groupe TVA devrait être licencié. Tous les secteurs – télédiffusion, services cinématographiques et audiovisuels, magazines ainsi que production et distribution – devraient être touchés. Ailleurs au sein du conglomérat, quelque 100 postes seront abolis du côté de NumériQ, Québecor expertise médias et Québecor contenu.
Les employés qui perdront leur gagne-pain devraient en être informés ce vendredi.
Montrés du doigt
M. Péladeau a énuméré des facteurs externes pour expliquer les difficultés de Groupe TVA. Il s’en prend aux services de diffusion comme Netflix et Amazon Prime, la « course aux cotes d’écoute » de Radio-Canada ainsi que la plateforme Tou.tv Extra du diffuseur public, ce qui accroît la pression sur les chaînes traditionnelles. Enfin, l’actionnaire de contrôle de Québecor s’en prend à son principal concurrent, Bell.
« Contrairement à tous les autres télédistributeurs au Québec, Bell Télé continue de verser des redevances en deçà de la valeur marchande de nos chaînes, tout en continuant de favoriser ses propres chaînes », dénonce M. Péladeau.
Dans un courriel envoyé à La Presse, Radio-Canada a indiqué que personne ne se « réjouit devant des pertes d’emplois », en ajoutant que la « production télévisuelle francophone repose » sur l’équilibre entre le privé et le public ».
« Chacun a son rôle à jouer et chacun a ses défis », a écrit son porte-parole, Marc Pichette.
M. Péladeau a aussi exhorté le Parlement fédéral à adopter le projet de loi C-18, déposé au printemps 2022 et qui vise à forcer les géants du web à rémunérer les salles de rédaction pour utiliser leur contenu.
« Les différentes instances gouvernementales doivent agir avant qu’il ne soit trop tard », fait-il valoir.
Il y a néanmoins des défis à l’interne. Entre autres, les charges d’exploitation du Réseau TVA ont augmenté d’environ 20 % en raison d’« investissements en contenu » et la chaîne sportive TVA Sports continue à perdre de l’argent. Chez MELS, on a enregistré une baisse de rentabilité du côté de la location de studios et d’équipements. Les studios n’ont pas pu profiter de la présence d’une production d’envergure, comme cela avait été le cas en 2021 avec Transformers : Rise of the Beast.
Le volume d’activité est aussi en déclin du côté des services d’effets visuels. Les ventes en kiosque comme les abonnements continuent à chuter dans la division des magazines. Celle-ci ne peut plus compter sur les aides gouvernementales, comme c’était le cas au plus fort de la pandémie.
Tendance inquiétante
Pour le professeur de journalisme à l’École des médias de l’UQAM Patrick White, ce contexte de baisse des revenus publicitaires est de mauvais augure pour le secteur des médias.
« Ces mises à pied témoignent de la crise des médias en 2023, une crise permanente, dit-il. Là où je suis d’accord avec M. Péladeau, c’est sur l’urgence de l’adoption de C-18. Le Sénat doit adopter cela rapidement pour donner un répit aux médias d’ici. »
Ailleurs dans le secteur médiatique québécois, la chaîne de journaux Postmedia avait annoncé, le 24 janvier dernier, son intention d’éliminer 11 % de ses quelque 650 postes de journalistes. Au sein du Montreal Gazette, dernier quotidien anglophone de la métropole, cela pourrait se traduire par une dizaine de départs si rien n’est fait.
« Et je ne parle même pas des licenciements au Wall Street Journal, chez News Corp, chez Yahoo! et au sein d’un grand nombre de médias numériques, ajoute M. White. La baisse des revenus fait très mal en ce moment. »
Le Syndicat des employés de TVA, affilié au Syndicat canadien de la fonction publique, a été informé de la restructuration au moment de son annonce. Son président, Carl Beaudoin, préférait obtenir plus de détails avant de commenter.
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Érosion des revenus publicitaires | Québecor élimine 240 postes dans son secteur des médias - La Presse
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